Chapitre XXV : Amaterasu

63 3 92
                                    

     L'esprit d'Ama était hanté par des souvenirs.

     Des souvenirs dans lesquels elle entendait des cris lointains. Et des bruits sourds. Des bruits de coups.

     Cette fois-ci, elle se reconnaissait parfaitement. Elle reconnaissait son physique d'adolescente, elle reconnaissait la longueur de ses cheveux, elle reconnaissait son corps. Ce qu'elle ne reconnaissait pas, c'était la voix qui hurlait dans son dos.

- Cours comme si ta vie en dépendait ! Ne te retourne pas ! JAMAIS ! s'époumonait cette voix.

     Un bruit sourd retentit. Elle crut même entendre un coup de feu. Mais de qui pour qui ? Elle n'en avait aucune idée. L'envie de se retourner vibra dans ses veines, l'envie de revenir sur ses pas était bien présente, mais elle ne le fit pas. Elle écoutait les ordres donnés. Et elle courrait. Elle courrait sans se retourner. Elle courrait comme si sa vie en dépendait, tout en ayant la curieuse impression que cela était bel et bien réel, elle courrait jusqu'à sentir ses muscles être en phase de brûlure instantanée.

     Elle courrait toujours lorsqu'un coup de feu bien calculé la fit chuter au sol.

     Suite à quoi c'était un trou noir.

     Le souci avec cette réminiscence, c'était que l'amnésique ne parvenait pas à savoir si elle était entièrement vrai, ou si l'attaque qu'elle avait subie avait laissé des éclats sur celle-ci. Dans ce cas-ci, comment départager le vrai du rajouté ? Dans le cas où le souvenir était vrai du tout au tout, de nouvelles questions se soulevaient. Cette voix qui avait criée... Était-ce celle de sa dite grand-mère ? Ou bien d'un parfait inconnu ? Ce souvenir était sans doute le plus récent qu'elle avait avant son amnésie, pourtant, elle ne parvenait pas à identifier la voix. Si lointaine qu'elle ne devinait pas de timbre masculin ou féminin.

     La seule chose dont elle était sûre et certaine, c'était que cette voix n'était pas seule. Et que la seconde personne présente avait tenté de lui tirer dessus alors qu'elle prenait ses jambes à son cou. Un danger de mort avait plané sur elle, c'était une certitude. Mais pourquoi ? Comment ? Qui ?

     Elle trouvait cela très ironique de se dire que même avant la tempête et la forêt elle avait déjà frôlé la mort. Certes, on ne disait jamais deux sans trois, mais elle aurait préféré que ses besoins de soins se résument à un chiffre nul.

     Désormais couchée sur un lit d'hôpital, elle essayait tant bien que mal d'y réfléchir, malgré les passages incessants des infirmières. Quelle infamie pour elle. Elle avait l'impression d'être de retour plusieurs mois en arrière, à son réveil en tant que pure amnésique et ignorante des Royaumes. Pour Ama, c'était horrible de se savoir ici. Non seulement à cause de l'aura plus au moins néfaste qui entourait les lieux et des infirmières, mais aussi parce que cette fois-ci elle ne se savait pas seule. Elle savait que le rouquin était aussi surveillé et avait été pris en charge dans l'une des chambres blanches de l'endroit. Elle détestait savoir qu'il était restreint ici par sa faute. Selon tous les liens qu'elle avait créés en songeant à l'attaque, elle avait bien compris qu'elle en était l'une des coupables. Après tout, c'était elle qui avait décidé de sortir en ville toute seule, si elle ne l'avait pas décidé, elle n'aurait pas croisé Fred. Si elle ne l'avait pas croisé, il ne lui aurait pas proposé une visite de la ville. S'il ne lui avait pas proposé cette visite, il n'en serait pas venu au point de lui proposer d'aller jusqu'à la forêt. Si elle avait, quitte à sortir en ville, refusé cette proposition en voyant la pluie, ils ne se seraient pas enfoncés entre les arbres. De ce fait, ils n'auraient pas été attaqués.

     Conclusion : elle était la cause des malheurs du rouquin. N'était-ce pas d'une venimeuse ironie quand on savait que les roux étaient décrits comme étant maudits et apportant malheur tels les chats noirs ?

Les Royaumes de Cartes [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now