Chapitre 2

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Anton

𓃦

Quand je sors des cours, je n'ai pas trente-six options différentes. Soit je rentre au dortoir, soit je pars au club. Durant mon temps libre, je fais de la boxe. Plus particulièrement, de la boxe anglaise. Cette fin d'après-midi est l'une d'entre elles où mes gants deviennent ma priorité. Un moment de solitude qui me permet d'évacuer toutes mes émotions sans potentiellement mettre quelqu'un en danger. Une phrase de trop, un coup mal placé, qui fait démarrer une bagarre, c'était ma vie avant que je prenne des cours.

Ce serait mentir que de dire que ça m'est tombé dessus par hasard comme une révélation. Tout à une fatalité et un point de chute. Il faut juste s'en rendre compte au bon moment.

Dans mon cas, on m'a donné un coup de pression. Les gants ou un renvoi immédiat de la pension Cadbury. Le choix a très vite tourné en faveur de ce sport.

Je n'ai pas accroché tout de suite. Il a fallu des semaines et une envie de détruire un mur avant que l'information ne rentre dans ma tête et que la boxe prenne la forme d'un vrai plaisir. Mon petit temps à moi, pour quelques heures. Faire des combats ne m'apporte pas une mauvaise réputation auprès de mon école. Peu de gens sont au courant de ce petit accord entre mes parents et moi. Lake en fait partie et la directrice du centre équestre car c'était son idée.

De l'extérieur, quand on ne me connait pas, je passe souvent pour le gentil petit Anton qui ne ferait pas de mal à une mouche, qui tempère ses amis et ne prend aucun parti.

C'est complètement faux.

Ce que je renvoie et ce que je suis sont deux choses différentes qu'une minorité arrive à déceler. Intérioriser jusqu'à l'explosion est une routine bien installée dans ma tête depuis des années. L'art de le cacher à qui je le veux en est une autre.

Quoi qu'il en soit, ma seule priorité sur le moment est de faire sa fête à ce sac de frappe qui ne demande qu'à recevoir ma frustration du contrôle que j'ai raté. J'avais révisé pourtant, mais je me suis planté en beauté en faisant un hors sujet en zootechnie. Je suis dans l'une des filières les plus ardues en termes de notation. Devenir cavalier soigneur demande de la rigueur en apprentissage, parfois ça coince.

Lake a terminé les cours une heure après moi. Il m'a rejoint dans la salle de boxe parce qu'il a compris que je ne suis pas rentré directement en sortant de classe. Alors que je me défoule depuis une heure tout seul, lui, il n'en est rien. Il n'a pas enfilé de gants et à vrai dire il ne devrait même pas être là. Il ne paye aucun abonnement. À force de le voir m'accompagner, le propriétaire ne dit plus rien sur sa présence indésirable.

Il s'est assis sur le sol, dos contre le mur en brique qui soutient son poids. Aucune idée de ce qu'il fait. Il pourrait être en train de me filmer que je n'y verrais que du feu. Je me rends compte très vite au son de sa voix que ce n'est pas le cas.

— Ava-Lee m'a transmis le mail de Maï concernant l'emploi du temps de la semaine.

— Et alors ? C'est mal ? demandé-je en envoyant en un jab sur le sac.

— Jusque-là je sais lire mes mails tout seul, pas besoin de les avoir en double.

Il souffle son mécontentement qui embrume la pièce aussitôt de ses mauvaises ondes. Il pouvait parfois être dur avec elle. Lake n'est pas du genre à chercher plus loin que l'information principale quand il est énervé par quelque chose. Surtout quand ça concerne Ava-Lee.

— Il n'y a pas un mot avec ? Ce n'est pas trop ressemblant à Ava de juste t'envoyer une information dans le vide.

J'essuie la sueur accumulée sur mon front grâce à mon avant-bras. Le souffle court à cause de l'effort, je contourne le sac pour avoir mon ami en visu. Lake plante ses yeux à la hauteur des miens. Je devine que j'avais raison rien qu'en voyant sa réaction.

(IN)CONTRÔLABLEWhere stories live. Discover now