Chapitre 3: Des retrouvailles et des emmerdes

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Je suis la première à arriver sur les lieux. Je n'ai pas croisé mon père depuis hier soir. Ni Finn d'ailleurs.

J'ai passé une très mauvaise nuit, sans rêve, comme toujours et à mon réveil, mes couteaux papillon étaient posés sur la table de chevet et rien que savoir que cet audacieux était venu dans ma chambre pendant que je dormais me donne des envies de violence.

Le déjeuner commence dans peu de temps et mes entrailles gargouillent rien qu'à cette idée. Les odeurs de la cuisine me parviennent et j'ai hâte de pouvoir déguster un bon repas chaud, même si je serai en compagnie de gens que j'apprécie moyennement.

Ma complice est déjà sur place, briefée. Je suis tombée sur une certaine Grace Spencer qui a accepté de m'aider en échange d'une place chez nous.

Une immense table rectangulaire en acajou trône au centre de la pièce avec douze fauteuils autour. Six fauteuils en cuir, destinés aux dirigeants, et les six autres sont de simples chaises, destinés aux héritiers.

Je m'avance vers le chandelier à sept branches disposé sur le buffet au bout de la pièce, derrière le siège du dirigeant de cette réunion, autrement dit mon père, et allume l'une des bougies. Chaque chandelle représente chaque "sous-réseau" Diaz. Je signe en posant mes lèvres sur l'ongle de mon pouce face aux portraits de mes ancêtres. L'immense tableau est là pour nous rappeler notre histoire, nos origines. Les sept frères Diaz, les fondateurs de cette incroyable famille nous surveillent, alignés, sourire aux lèvres et calices à la main.

Le mot « incroyable » est discutable. Tout comme « famille » d'ailleurs.

Un serveur pénètre dans la pièce, s'étonne de ma présence et s'empresse de me proposer à boire, ce que je décline poliment avant de m'installer sur mon siège attitré, en attendant les autres. Téléphone en main, je passe le temps à répondre aux diverses demandes de mes collaboratrices et collaborateurs restés à San Francisco.

Le grincement de la porte me fait lever les yeux et ma semblante bonne humeur disparaît en un battement de cil.

Pourquoi lui en premier ?

Il est encore là lui, soufflai-je entre mes dents, mon ressentiment à peine dissimulé.

Bonjour Greyson.

Inspire. Expire. Lui faire manger son cigare n'est pas la solution.

Sa voix ne m'a pas manqué. Son sourire en coin, que j'ai toujours envie de faire disparaître à coup de poing, non plus. Connor Miller s'avance en boitant dans son costard toujours trop serré pour lui, suivi de près par son fils Caleb, le sosie "presque officiel" de Daniel Craig. Âgé de presque 82 ans, l'impresario est toujours à la tête du réseau Las Arañas d'Albuquerque, et comme je suis au regret de le constater, il n'est pas mort dans son sommeil, n'a pas glissé en prenant sa douche et ne s'est pas étouffé en mangeant ses tartines au petit-déjeuner. Le plus affligeant est de voir qu'il n'est pas prêt à céder. Havane entre ses doigts recouverts de bagues de toutes tailles, formes et alliages, il campe devant la commode, allume une des mèches grâce à son cigare et signe de la même façon que moi. Son aîné reste en retrait, tête baissée, comme l'exige le protocole pour tous les successeurs.

En tant que bon petit chien.

— Tu sais que j'ai attendu toute l'année l'invitation de ton fils pour assister à tes funérailles. Tu sais que je ne manquerai ça pour rien au monde, je rétorque.

Toujours aussi sympathique, ajoute-t-il méprisant.

Pour toi, toujours.

Quel plaisir de te revoir, me nargue-t-il en un long souffle accompagné d'un rictus.

The Hell Goddess  [ TERMINÉ ]Where stories live. Discover now