Chapitre 15

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Les jours passèrent sans qu'aucun des deux ne reparle de la discussion qu'ils avaient eue. Marie s'occupait de la gare comme avant, essayant de ne pas trop penser au grand brun qui l'aidait dans ses tâches - n'ayant rien d'autre à faire. Bien que son aide soit plus que bienvenue, sa présence était à la fois une bénédiction et une torture. Elle aimait l'avoir près d'elle, savoir qu'elle n'était plus seule. Mais elle ne pouvait plus penser à autre chose qu'à lui.

Les boulons se vissaient sans qu'elle ne s'en rende compte alors qu'elle avait la clé dans la main. Elle se retrouvait à l'autre bout de la gare après un battement de paupière. Elle accompagnait les âmes dans un état second.

Tout était à la fois plus facile et plus difficile. Comme manger, dormir. Dormir. Oh oui, elle s'était imaginé qu'elle puisse le retrouver dans sa chambre parce qu'elle n'arrivait pas à dormir. Mais elle n'oserait jamais. Alors elle se tournait et se retournait dans son lit. Bien sur elle ne pleurait - presque - plus mais ce n'était pas pour autant qu'elle s'endormait plus vite.

Globalement elle allait mieux. Elle reprenait goût à manger, en partie parce que Nils cuisinait plutôt bien. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois qu'elle avait mangé un aussi bon risotto aux champignons.

La seule chose qui n'avait pas vraiment changé était la qualité de son sommeil. En plus de ses cauchemars où elle revivait sa « traversée de l'enfer », il y avait désormais ceux dans lesquels Nils disparaissait. Peu importe la manière dont ils commençaient, ils se terminaient toujours de la même manière : son regard accusateur et sa disparition. Parfois cela partait d'un rêve agréable où ils rigolaient ensemble ou d'une fantaisie où il l'embrassait et lui disait qu'il l'aimait avant de lui dire qu'elle n'était qu'un échec, qu'elle allait finir seule, abandonnée. Le plus souvent néanmoins, le cauchemar ne laissait aucune place au rêve. Nils s'effaçait lentement, peu importe ce qu'elle pouvait faire pour ralentir le processus, il s'éloignait toujours plus jusqu'à ce qu'elle ne puisse même plus le toucher. Il y avait aussi les reproches irrationnelles qu'elle acceptait comme si elle n'avait plus aucun bon sens et ses paroles s'ancraient en elle, même après son réveil. Mais, toujours, il disparaissait brutalement.

Dans tous les cas, il était rare qu'elle ne se réveille pas sans larmes, le front couvert de sueur et un cri au bord des lèvres.

Le pire était qu'elle avait l'impression que ses cauchemars était en train de se réaliser : elle avait plusieurs fois aperçu Nils la peau pâle ou le regard lointain. Elle mettait son comportement et sa maladresse sur le compte de la fatigue ou de son voyage sûrement épuisant. Mais une petite voix bien à elle ne cessait de lui chuchoter que le processus était déjà en marche et qu'elle connaissait déjà la fin.

Une nuit où elle s'était une fois de plus endormie bien trop tard, elle rêva de Nils. C'était un des plus beaux qu'elle n'ait jamais eu. Il lui tenait la main, la regardait d'une manière qui lui faisait perdre les pédales. Tout comme la manière dont il l'embrassait... Et d'un coup, tout bascula.

Il lâcha sa main comme si elle portait la peste et il s'écarta en la dévisageant avec un air de dégoût.

— Comment peux-tu être aussi égoïste ? Tu sais que Virginia et Johanna sont mortes. Et tu voudrais en plus me laisser mourir ? Ne pas venir avec moi après tout ce qu'on a vécu ?

Son regard était si froid qu'un long frisson traversa le corps de Marie et la paralysa. Rien ne sortait de sa bouche. Elle avait envie de parler, de lui dire qu'il se trompait mais elle ne pouvait pas.

— Tu as laissé Virginia courir à sa perte et Johanna la suivre. Tu le savais n'est-ce pas ? Tu le savais et tu n'as rien fait. Tu es si égoïste. Et maintenant, tu me laisses mourir aussi.

Le Dernier arrêtDonde viven las historias. Descúbrelo ahora