La Parabole de l'agneau (Mxm terminé)

Chapitre 12

Micah

Allez savoir pourquoi, j'aurais cru qu'après sa dernière visite Adam ne tarderait pas à montrer à nouveau le bout de son nez. Ou de son museau. Mais ça n'avait pas été le cas et j'avais beau me morigéner à ce sujet, je m'en sentais légèrement désappointé.

Je tentais vigoureusement de me voiler la face en prétendant que je voulais seulement en apprendre plus sur sa condition. Ce n'était encore que de la curiosité, d'autant plus légitime que ses révélations me hantaient. Ces derniers jours, à chaque personne croisée dans la rue, je sentais un petit gouffre d'appréhension et de doute me traverser. Cet homme grand et musclé à la peau sombre qui arpentait le passage piéton comme s'il lui appartenait, était-il juste très sûr de lui ou bien cachait-il des capacités surhumaines ? Cette femme aux épaules de nageuses était-elle juste une adepte des salles de sport ou bien ses canines un peu trop longues faisaient-elles d'elle une prédatrice au sens le plus propre du terme, capable de déchirer la peau de ceux qui la sous-estimaient?

Et si les loups-garous, pardon, les lycans, existaient, qu'en était-il du reste? Les vampires, les sirènes, les fées, le yéti et le chupacabra? Est-ce qu'ils arpentaient le monde parmi nous, comme le faisaient les loups, se gaussant de notre ignorance et notre cécité et faisant leur trou dans les marges de l'humanité ?

Ouais, j'avais beau me la jouer, j'étais plus qu'un peu perturbé.

J'avais ressenti une impression similaire des années auparavant, durant les premières semaines où Andreï m'avait pris sous sa protection. J'avais commencé à prévenir les dangers que la rue recélait avant même notre rencontre mais il avait porté chez moi cette paranoïa et cette vigilance à un tout autre niveau. En sa compagnie, chaque pas de porte constituait une planque ou une embuscade, chaque poubelle une protection ou un piège et chaque passant un assaillant potentiel. Il m'avait dressé à évoluer dans un monde où seule l'hypervigilance était en mesure de me sauver et il avait arraché avec méthode les quelques lambeaux de foi et d'innocence que j'avais, par miracle, réussi à conserver.

Près de six années plus tard, Adam agissait de même, sur un tout autre plan. Moi qui ne trouvais la paix qu'en maîtrisant au maximum chaque paramètre de mon environnement, la révélation que des créatures magiques et dangereuses étaient susceptibles de me côtoyer sans même que je ne le réalise était un coup sérieux porté à ma sérénité.

Pour parler autrement, j'étais plus nerveux qu'un chihuahua shooté à la cocaïne et vivre en permanence sur les nerfs avait tendance à m'épuiser. Voir Adam à nouveau aurait peut-être pu m'apaiser mais cet idiot avait disparu depuis des jours et je n'avais même pas ses coordonnées pour le joindre, et lui demander si les sorciers et les anges existaient. Et il était hors de question de quémander son numéro à Bear. Il avait été absent du Unicorn à la dernière visite de son pote mais Steven s'était fait un plaisir de lui raconter en long et en large que j'avais passé toute la soirée à flirter avec Adam et depuis, le grand et gros homme posait sur moi un regard dubitatif et parfois inquiet.

J'avais travaillé tard la veille au soir et il était près de dix heures lorsque le jour qui perçait à travers les rideaux fins finit par me tirer du sommeil. Je grommelai en tâchant de lui échapper et enfouis mon visage dans les oreillers, mais sans succès. Cela faisait des semaines que je prévoyais d'acheter des stores occultants mais je n'avais toujours pas trouvé le temps. Ou la motivation, d'ailleurs. L'appartement où je vivais était meublé et loué au mois, ce qui me convenait bien. Commencer à faire des emménagements, même aussi basiques que des rideaux, donnait une apparence de permanence à ma vie ici à laquelle je n'étais pas certain de vouloir m'attacher. Comme si, lorsque je serai contraint de partir, avoir acheté des rideaux et de la vaisselle viendrait augmenter le sentiment de perte que j'étais certain d'éprouver.