Chapitre 34

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Micah

Le jour commençait à tomber, et mon espoir s'épuisait en même temps que disparaissaient les minuscules particules de soleil qui dansaient à travers les trous de la tôle, lorsque le miracle que je n'espérais plus se produisit enfin. J'étais toujours recroquevillé sur les jambes d'Adam, encore inconscient et de plus en plus mal en point, de ce que j'en voyais. Il s'agitait parfois légèrement sous mon poids, geignait d'une voix à peine perceptible, puis retombait dans une léthargie profonde et mon inquiétude à son égard ne faisait qu'empirer. Bottes avait récupéré la chaise branlante du bureau et s'était installé au milieu du silo. Il enchaînait les cigarettes, dont la fumée montait vers moi en volutes tièdes, et patientait en feuilletant un magazine flétri, attendant sans doute que je chute et m'écrase à ses pieds comme un fruit trop mûr. Mais soudain, j'entendis un raclement de bois sur le béton et se leva en lâchant une flopée de jurons.

- Putain, mais qu'est-ce que c'est que ce bordel?

Alerté, je rampai jusqu'au bord de la plate-forme et tendis le nez par-dessus la poitrine d'Adam pour regarder, plissant les paupières dans la semi-pénombre pour comprendre ce que cet enfoiré foutait. Il se tenait droit sur ses pieds à côté de la porte et penchait la tête sur le côté, comme un chien sur une piste. Ses yeux passaient fébrilement de notre position précaire à la sortie, mais il semblait incapable de se décider. Un tumulte familier résonna soudain à l'extérieur et je me dressai d'un coup, frémissant d'espoir. Nom d'un chien, je n'avais jamais autant apprécié le son des armes automatiques de ma vie. Ça canardait sévèrement, et les cris paniqués qui traversèrent la tôle m'apprirent que cela chauffait dehors. Grondant dans sa gorge, Bottes fit un pas de plus vers la porte avant de se raviser. Il leva la tête et grogna en ma direction, furax :

- Je suppose que tu as un rapport avec ça? Espèce de sale vermine, je te revaudrais ça.

Je ne lui fis pas la grâce de répondre et attendis, muet. Des bruits de moteur résonnaient maintenant au-dessus des échanges de tirs et j'entendais les ordres voler. Bottes tournait en rond à dix mètres sous mes fesses, mais les cris et les appels s'amplifièrent à l'extérieur et il finit par se décider.

- Putain, cracha-t-il, en approchant la roue de déverrouillage. N'espère pas t'en sortir pour autant, sale humain. Tu n'as aucune chance de t'évader et à la seconde où tu mettras un pied dehors, tu te feras choper!

Et il traversa le sas, referma la porte violemment et disparut de ma vue.

En une seconde, j'étais prêt à le suivre. Je n'avais pas de temps à perdre. Il pouvait redéfinir ses priorités à chaque seconde et décider finalement que ma surveillance l'emportait sur le besoin de renfort de ses camarades de meute, aussi je n'attendis pas de le voir revenir. Accroché à la chaîne comme Tarzan à sa liane, je dévalai les échelons à toute vitesse et me précipitai derrière lui. Les bruits de combat qui résonnaient de la campagne alentour couvraient mes pas et rendaient peu probable que Bottes ne m'ait préparé un piège dans le bureau, mais j'y pénétrai toutefois avec prudence, le manche à balai que j'avais ramassé solidement levé. Le corps de Basket avait été enlevé, mais l'odeur persistait, lourde et écœurante. Je ne m'en préoccupai pas et avec circonspection, je me glissai à l'extérieur du bâtiment, tendu comme un arc et tous mes sens aux aguets. Je tombai en pleine scène de guerre. Des hommes couraient et beuglaient de tous côtés, armes en main. La surprise avait dû être totale et ils peinaient à s'organiser. Ils se dirigeaient tous vers la gauche du complexe et en suivant la trajectoire de leurs tirs, j'aperçus leurs assaillants entre les baraques et réprimai un rictus triomphant. Plusieurs berlines de luxe étaient garées en étoiles sur un chemin de terre qui paraissait constituer la seule voie d'accès à la ferme. De leur position légèrement surélevée, les Russes s'en donnaient à cœur joie en canardant tout ce qui bougeait. Mais mes ravisseurs n'étaient pas en reste et après leur confusion initiale, ils commençaient à riposter. Un hurlement lupin troua soudain le silence, suivi de deux autres, m'apprenant que les lycans étaient sur le point d'entrer dans la danse. Je me demandai un instant si Bottes serait dans le lot, et si je le reconnaîtrais. Je l'avais plutôt bien distingué pendant ses longues heures de surveillance et ses épaules baraquées me faisaient un peu flipper à l'idée de ce qu'il donnerait en version velue et pleine de crocs. Il avait paru assez remonté contre ma petite personne et mieux valait pour moi éviter de le croiser. Je me plaquai contre le mur et tentai de m'orienter dans le bordel ambiant. L'affrontement n'allait pas durer des heures, en tous cas pas dans cette phase confuse dont j'avais besoin pour m'éclipser, et je ne devais pas traîner. Ilme fallait une voiture, suffisamment vieille pour pouvoir la démarrer avec les fils, et suffisamment grande pour y accueillir un lycan inanimé. Et si elle était assez solide pour défoncer les murs pas bien épais du bureau afin de m'éviter des mètres à parcourir en trimballant mon amant, c'était juste parfait. Les pick-up que j'avais entraperçus sur le parking avaient le profil idéal. Le seul problème était qu'ils étaient à l'opposé de ma position, et à découvert pile-poil là où les belligérants canardaient.

La Parabole de l'agneau (Mxm terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant