Prologue

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À tous ceux qui croient au paradis,
Et à l'enfer.
Et aussi à ceux qui n'y croient pas.

D'un battement d'ailes, l'ange disparaît. Une traînée de poussière blanche se disperse là où son aura divin se dématérialise. L'âme paraît désorientée de sa conversation avec l'être ailé, dont le teint immaculé et lumineux lui a presque cramé les pupilles. Va-t-elle réellement ressuscitée ? Des milliers de questions se bousculent dans sa tête. Pourquoi elle ? Qu'a-t'elle fait pour le mériter ? Est-ce un mensonge ou alors un piège ? Elle a l'impression de croupir  dans cette noirceur insondable depuis des millénaires et on lui annonce qu'elle a une chance de revenir. De revenir pour se venger.

       Son corps avait disparu, les seules sensations qu'elle éprouvait résidait dans son âme notamment lorsque le froid s'y immiscait. Les températures désagréables reviennent en continu et provoquent le même mal être en elle. Le royaume des morts se définit bel et bien comme une boucle infernale qui emprisonne l'âme. Mais l'âme décédée depuis en réalité seulement trois ans ressent, dans cette spirale perpétuelle, une sensation paradisiaque. Une tranquillité dévorante, une sérénité hors du commun et l'oubli de tous les problèmes. C'est à cet endroit contradictoire, où les forces s'opposent, où vont les morts.

        Elle tourne une nouvelle fois sur elle-même dans le champ de narcisses, tantôt fanées, tantôt en floraison, où l'atmosphère sent le bronze mêlé à une fine senteur cuivrée. Les ténèbres engloutissent tout ici, ils absorbent les lumières, les étoiles. Il n'y a pas une seule trace d'ensoleillement si ce n'est la lumière des anges qui n'illumine que très rarement.

       Un halo lumineux éclaire le visage stoïque et morne de l'âme, en proie à la résurrection. L'âme, qui est une jeune femme, se nomme Lore. Elle n'exprime aucune émotion concrète sur son visage spirituel mais son sang inexistant semble battre contre ses tempes inexistantes. Ou du moins des tempes fumantes et pénétrantes. Une étincelle prend flamme à l'intérieur de son être et elle sent la chaleur dévorante du feu se glisser dans les recoins de ses dernières sensations. Bientôt, elle pourrait à nouveau sentir son corps tout entier, elle pourrait comprendre que le sang coulerait dans ses veines, que son cœur battrait et que des douleurs lui presseraient la peau.

       Quand le halo de lumière commence à s'élargir, pour scintiller d'une lumière coruscante, Lore ne détache pas son regard. Elle fixe l'amas de cette entité — la lumière— qu'elle ne semblait pas avoir perçu depuis plusieurs millénaires. Mais elle ignorait encore depuis combien de temps elle était partie.

       Elle fait un pas et voit les fleurs s'écarter sous ses pieds mais elle ne peut ressentir la sensation de marcher dans celles-ci. Enfin, plus pour longtemps.

        La lumière lui brûle les yeux, elle a l'impression que ses pupilles fondent dans ses iris. Elle les ferme alors et malgré l'obscurité sous ses paupières, elle réussit à percevoir le scintillement pléthorique de la nébuleuse. La seconde d'après, la matière envahit tout son être et elle ne sent plus rien.

       Tout disparaît, comme l'ange qui s'était adressé à elle pour cette grâce. Quelques instants plus tard, elle a l'impression d'étouffer et de suffoquer dans un espace clos, un espace restreint qui est privé d'oxygène. Mais lorsqu'elle recommence à sentir ses membres, elle crois descendre en chute libre. Quand la chute cesse, le dos de la jeune femme, dont les vertèbres sont encore engourdis, cogne violemment contre une plaque de bois. Elle est enfermée dans son cercueil, prête à revenir pour se venger.

Hazy Gloom Where stories live. Discover now