Hazy Gloom

Chapitre 6. Lore

J'ouvre les yeux. J'ai l'impression qu'on a strié le dessous de mes yeux tant que ça me brûle. Des bruits assourdissants résonnent dans le sol comme des pas d'éléphants. C'est la foule de fanatiques. Putain.

     Je prends appui sur le sol pour me lever difficilement. Tout mon corps est endoloris. Les images refilent dans ma tête. Une silhouette immaculée qui se débat, des ténèbres et ce médaillon. Ce médaillon qui se brise en millions de morceaux. En revenant d'entre les morts, je penser pouvoir assouvir ma vengeance. Torturer et tuer Patrick. Jamais je n'aurais pensé que je subirai tant de phénomènes. Cette foule qui me voit comme une perle au fond de l'océan, ces visions de choses insensées, ses pouvoirs...

     Ces gens, affamés de réponses, s'apprêtent à déferler sur moi. Je le sais. Ils sont tous proches et je peine à me relever. Je prends une grande inspiration. Non pas pour m'élancer à toute allure, mais pour me concentrer. Les ressuscités nous avions plusieurs capacités magiques : nous pouvions nous rendre invisible et prévenir d'un danger. Je pense alors que cette vision me prévient d'un danger, mais duquel ? J'inspire, j'expire. Ma flamme se rallume, c'est comme si respirer et accepter ma magie avait jeté de l'essence sur mon feu. Je claque des doigts.

    Je devine la stupéfaction des spectateurs. J'ai certainement dû être filmée avec tous ces gens. Je prends le temps de me relever et de quand même courir. Je ne veux plus avoir à faire à cette popularité. Je perçois un arrêt de bus sur la rue adjacente. Miracle, le bus est entrain d'arriver. Je m'active pour arriver rapidement sur l'autre rue. Je la traverse sans prêter attention à la circulation même si je sais que la dernière fois cela m'a coûté un accident brutal.

    J'arrive saine et sauve sur l'autre rive. Mes fans commencent à abandonner leurs recherches et le groupe se dissipe. Un soupir de soulagement s'échappe de ma bouche. À côté de mon corps invisible, une petite fille, âgée d'environ six ans, échange avec sa mère. Elle paraît mature et intelligente pour son âge. Je ne sais pas de quoi elles parlent car je suis fascinée par cette enfant qui voit la vie en rose et qui rend sa mère heureuse. Je deviens un peu mélancolique car j'ai perdu ma mère à quatre ans et je n'ai aucun souvenir d'elle. Je n'ai que le souvenir de ce jour horrible où elle se noie dans le lac.

     Mon regard persiste sur la petite fille et durant une fraction de seconde une image flashe devant moi. Un cercueil. C'est tout ce que je vois. Le bus s'arrête à mon niveau et les gens affluent à l'intérieur. La fille entre avec sa mère et j'entre rapide pour ne pas le rater. Je reste à l'avant du bus, dans toute mon invisibilité, pour regarder la route qui défile sous mes yeux.

     Devant moi, sur la route, se dresse une ombre, imposante, terrifiante. Elle est brumeuse, elle est difforme, monstrueuse. . Je suis la seule à la voir. Je n'arrive pas à la définir mais j'arrive à ressentir son aura. Une douleur extrême, saisissante. Une noirceur insondable. Et puis elle disparaît.