Chapitre 1. Lore

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Il va crever et périr dans l'enfer du creux de mes mains, me répété-je en trouvant un moyen d'ouvrir mon cercueil. Il fait chaud, la sueur dégouline sous ma robe, sur ma peau. Je suis toute trempée. Je me rends compte de quelque chose. Comment pourrais-je ouvrir mon cercueil si une couche de terre me séparait de la terre ferme ? L'ange m'aurait-il menti ? Ou bien était-ce moi qui était bête et influençable ? Comment aurais-je pu avoir la possibilité de ressusciter et pourquoi moi d'une certaine manière ? Qu'avais-je de si spécial ?

       Je tâte le cercueil de bois sur toute sa longueur en désespérant sur mon sort. Le linceul accentue la température dans l'espace clos et se colle à ma peau. Il me manque d'air, j'ai l'impression de ne plus réussir à prendre des bouffées d'air complètes. À présent que je parviens à ressentir chaque recoin endoloris de mon corps, je sens mes poumons se comprimer et je suis au bord de la suffocation. Je vais mourir de nouveau. Super !

       Dans un dernier espoir, je donne un coup brutal sur la porte du cercueil et elle s'ouvre en un bruit sourd. L'air m'emplit les poumons et je pousse un gémissement de satisfaction. Quel miracle !  Je suis en vie, sous le ciel bleu de Londres qui paraît étrangement plus loin que d'habitude. Ça sent la terre et une odeur lointaine de bronze. La même odeur de bronze que dans le royaume des morts.

       Le trou qui me sépare du sol est très profond et je me demande comment je vais procéder pour atteindre là haut. J'évite de crier ou quoique ce soit car si jamais quelqu'un voit cela il s'évanouira et prendra ma place dans le cercueil et dans la tombe par la même occasion.

       Je tente alors de grimper en répétant toujours cette phrase. Il va crever et périr dans l'enfer du creux de mes mains. Quand je m'agrippe à la paroi terreuse, je sens la matière pénétrer dans mes ongles, m'arrachant un frisson de dégoût. Je hisse une jambe en me remémorant les cours d'escalade du lycée mais je tombe immédiatement. Il y avait des prises sur les murs d'escalades du lycée.

       Je ne sais pas pourquoi je suis revenue d'entre les morts, je ne sais pas quelle est ma mission mais ce que je sais c'est que je suis revenue, plus vindicative que jamais et que j'allais tuer mon ex.

       Ce connard m'a, en effet, empoisonné lors de notre dîner j'ai soigneusement préparé pour fêter nos deux ans de relation à ce moment là. Mais bien sûr, monsieur a eu comme projet de voler toute ma richesse et mon manoir alors il n'a pas hésité une seule seconde à m'empoisonner. Non mais sérieusement ! Moi qui pensais qu'il m'aimait ! Je me rappelles de l'instant, je ne l'oublierais jamais. Je me souviens avoir posé mes lèvres sur la coupe en cristal, et dans une euphorie incertaine, j'ai savouré le vin. Pour finir enterrée six pieds sous terre.

       Je tente une nouvelle fois d'atteindre le cimetière. En vain. Je referme mon cercueil en bois et je pense une fraction de seconde au fait que j'y étais enfermée. Mais depuis combien de temps ? Et si Patrick était déjà un grand père de soixante dix ans ? Un frisson me parcoure l'échine. Une sensation de dégoût remonte le long de mon tube digestif mais je ne rejette rien. Mon ventre crie, j'ai faim, extrêmement faim.

       Je me fais un scénario, un scénario qui pourrait arriver. Je reste là, j'attends et je meure de nouveau mais de faim cette fois.

       « — Tu ne mourra que lorsque la nature en décidera.
          — C'est à dire ?
          — Aucun mortel ne pourra te porter un coup fatal ».

C'est ce que l'ange m'a dit durant notre longue discussion.

         En théorie, mourir de faim n'était lié à aucun mortel alors je pouvais mourir de faim. Mais un autre scénario, plus complexe, traverse mes pensées. J'attends là et quelqu'un découvre mon cadavre exhumé, comme je suis prise au piège, je ne peux pas fuir. Et je me fais embarquée par les flics. Mais je pouvais me cacher, je savais comment le faire.

Hazy Gloom Where stories live. Discover now