CHAPITRE V

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La nuit venait juste de couvrir entièrement l'horizon de son voile ténébreux. Kassim rentra chez lui et s'était le moment où chaque travailleur se ôtait des occupations du jour.

La famille était réunie ; mon père quittait son commerce de poisson, ma mère sa vente de pagne, et mon frère Ibrahim, toujours étrange et à la ramasse.

La famille étais au complet. Chacun se lava et se prépara, car la nuit commençait avec le repas familial qui était toujours animé ; chacun raconta les évènements qui marquèrent sa journée, de tour de rôle, et était suivi attentivement par les autres. Les rires étaient au rendez-vous. Ce fut le seule moment qui m'émouvait ; cette complicité de chacun autour d'un repas très digeste. Je souris de cette bonheur éphémère.

— Aujourd'hui, avec mon pote Raoul, relata Ibrahim, un vielle homme nous accostait. Non, sûrement que son âge ne suivait pas son physique (on rit en chœur). Il nous présenta deux ordonnances qui selon lui appartenait à sa femme malade....!

—Sûrement, intervînt papa d'un voix grave, et apaisée. S'il le dis.

—Oui, certainement...

Ibrahim prit un morceau de viande dans son assiette, l'observa attentivement, l'approcha de ses lèvres, et la fit disparaître en un clin d'œil.

Son corps imposant laissait croire à un catcheur, avec ses dreadlocks qui lui arrivait jusqu'à l'épaule, et le profil busqué, ses narines sembla renifler le contour de la table.

—Mais, ajouta-t-il, ce qui était à la fois étrange et marrant, c'est que cet homme cherchait juste à se faire profit avec ses ordonnances.

—Comment peux-tu en être si sûr ? Lui demanda Maman, prenant la poêle, assaisonna le riz de papa avec une bonne quantité de viande, puis reposa l'ustensile au centre de la table.

Maman rééquilibra sa chaise en ratachant son foulard noir sur sa tête avant de se remettre à manger.

—Une demie heure plutôt, continua Ibrahim, ravalant une gorgée d'eau glacé, nous l'avions donner de quoi acheter ses ordonnances,...

—Peu...peut être qu'il s'est souv... que sa femme et ses enfants devaient manger, insinua Idriss la bouche pleine.

—Mais c'est quoi ces manières Idriss, vociféra mère. Qu'ai-je dis à propos de ça ? Elle pointa sa cuillère en direction de sa bouche.

Si Maman avait la sainte horreur d'une chose à table, c'était de parler la bouche pleine à craquer. Et Idriss contre tout attente venait de commettre l'interdit. Tel un chat effrayé, il avala sa nourriture vite fait. Je sentis mon sang glacé pour son sort. Hibrahim ressentait probablement la même chose que moi, mais mère ne fit rien ; elle redevînt à la seconde zèle au milieu d'un silence tombale.

Le pauvre !

—Dis Hamed, reprit mon père, les vacances chez ta grande sœur, comment cela s'est-il déroulé ?

Je pris un morceau de viande qui me dérangeait sur la surface de mon riz sénégalais. Idriss s'occupait dans son assiette refroidie, le visage décoré de peine. Quant à Ibrahim, son histoire resta ainsi inachevée à son plus grand regret. Moi qui voulais savoir, la méconnaissance de la suite me rongeait à mort. Dis-je alors à père en mâchouillant délicatement ma viande :

—Oui papa, J'ai passé de très agréable vacance.

Mon père prit une gorgée d'eau, reposa son verre :

— Très bien, les cours reprennent donc demain ?

J'acquiesçai d'un signe de la tête sans mettre fin au rythme effréné de mes mâchoires.

ÇAWhere stories live. Discover now