Chapitre 2

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Je claquais la porte de mon studio, dépitée. Qu'est-ce qui m'était passé par la tête ? M'adossant sur le battant, je me maudissais intérieurement. Heureusement qu'Emilie et Zoé ne m'avait pas posé trop de questions.

J'enlevais mes chaussures, sentant la faim naître dans mon ventre. Il allait être vingt-heures et je commençais à huit heures le lendemain. Après quelques secondes de réflexion, je décidais de d'abord prendre ma douche, puis de me nourrir – j'avais heureusement des restes dans le frigo – histoire d'être tranquille. Je me connaissais, et si je m'affalais sur mon lit avant de me motiver à me préparer à manger, j'allais me perdre dans les diverses applications installées sur mon téléphone avant de me rendre compte qu'il me restait une heure avant de devoir me mettre au lit. Je tenais à mes sept heures de sommeil, sans lesquelles je ne pouvais pas fonctionner correctement.

Une fois douchée et ma routine anti-acné réalisée, j'enfilais un t-shirt ample qui avait appartenu à mon père et un vieux short de sport complètement usé. J'ouvrais mon frigo, ravie d'y trouver un reste de lasagnes que j'avais tant bien que mal préparées quelques jours plus tôt. La vie sans four n'était pas toujours des plus simples.

Une fois mon plat mis à chauffer au micro-onde, je m'installais à ma table/bureau, ouvrant mon ordinateur. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir regarder ? J'ouvrais YouTube, mais rien en me faisait vraiment envie, je soufflais déjà du nombre de publicités que j'allais devoir passer, même pour une vidéo d'à peine vingt minutes.

Mon téléphone vibra, m'interrompant dans ma recherche, et son écran s'alluma, révélant une notification Messenger de mon amie Anaïs.

« T'as commencé les cas pratiques de RIT ? J'y comprends rien »

Un coup d'œil en haut à gauche de l'écran m'indiquait qu'il était vingt heures passées de trente-sept minutes, c'est-à-dire bien trop tard pour que mon cerveau soit encore capable de réfléchir à quelconque problème de droit. Nous n'avions eu notre séance de travaux dirigés que la veille, mais Anaïs était du genre à tout faire très en avance, ce pour quoi j'avais beaucoup d'admiration à son égard. J'étais plutôt du genre à laisser traîner les choses jusqu'à la dernière minute.

« Nope, je comptais m'y mettre demain »

Nous n'étions que mercredi, et la chargée de TD avait dit qu'elle ne nous ramasserait pas, comme c'était encore le début de l'année. Nous serions tout de même interrogés à l'oral, et la participation comptait comme bonus, pouvant nous permettre d'améliorer notre moyenne de TD.

« Tu me diras »

« Tqt »

J'avais fait la connaissance d'Anaïs l'an dernier, nous nous étions retrouvées dans le même TD d'Anglais juridique au premier semestre, et avions sympathisé un jour où l'enseignante était en retard. C'était la seule personne que je connaissais à Paris que je n'avais connu par l'intermédiaire d'Emilie ou de Zoé. Peut-être pouvait-elle m'aider ?

J'hésitais, jetant un œil à l'écran de mon ordinateur qui commençait à se mettre en veille, faute d'action de ma part. Le micro-onde sonna dans mon dos et je me levais pour en sortir mon repas. J'en profitais pour éteindre et remettre mon ordinateur dans mon sac, je n'étais pas d'humeur à regarder quoi que ce soit.

« Rien à voir, mais j'ai besoin d'un conseil »

Comment lui expliquer ma situation ? Je n'avais pas tellement de doute sur le fait qu'elle serait à mon écoute.

« A quel sujet ? »

Après avoir dégusté une première bouchée de mon dîner, je prenais mon courage à deux mains.

« J'ai raconté à Emily et Zoé que j'avais rencontré quelqu'un (c'est faux),
mais je ne sais pas quoi faire maintenant »

Je reposais le petit appareil, me demandant à nouveau ce qui m'étais passé par la tête.

« PTDDDDDR, madame ???
Est-ce qu'on ment comme ça aux gens ?? »

Son message me fit sourire. Il y en avait au moins une que la situation amusait.

« Tu sais comment elles sont...
Toujours à me demander où en est ma vie amoureuse.
Elle en est nulle part, et alors ? »

Elle réagit par un émoji pleurant de rire à mon message.

« Mais tu leur as dit quoi exactement ? »

« Que j'avais rencontré quelqu'un
... au super marché »

J'avais fini de manger, mais aucune motivation à faire la vaisselle. Je me contentais donc de mettre mon plat et mes couverts dans l'évier, avant d'aller m'affaler dans mes draps. Le lave-vaisselle de chez mes parents me manquait parfois affreusement.

« Où ça ???
Mais pitié Nora qui rencontre l'amour à Franprix ?? »

« J'ai pas dit que j'avais rencontré l'amour déjà
J'ai dit que j'avais rencontré quelqu'un !
C'est pas pareil !! »

« Mais pourquoi au supermarché ?
Déjà quelle personne de 19 ans dit 'supermarché' ?? »

« J'ai paniqué !!
C'est sorti tout seul ! »

Les rayons de la supérette à quelques pas de mon immeuble me vinrent à l'esprit. Quel endroit pour rencontrer l'amour. En même temps, je sortais vraiment très peu, un endroit hors du commun aurait forcément suscité le doute chez mes deux camarades.

« Du coup c'est quoi le plan maintenant ? »

« Je sais pas...
C'est pour ça que je suis venue vers toi
Je connais ta grande sagesse »

Je n'avais surtout personne d'autre à qui me confier.

Cette réflexion me fit penser à la personne que j'avais considéré comme étant ma meilleure amie, jusqu'au lycée. Ça m'arrivait parfois, de repenser à elle, à ce qu'elle devenait. Il me semblait qu'elle était restée dans la ville où nous avions grandi mais je n'en savais pas tellement plus. A vrai dire, je m'en fichais. Je ne lui souhaitais rien de mal – elle m'avait juste abandonné du jour au lendemain pour des gens qu'elle prétendait ne pas aimer – mais je ne lui souhaitais rien de bien non plus. Une existence à la hauteur de sa médiocrité, peut-être ?

« Tinder »

Mes sourcils se froncèrent.

« Tinder ? »

« Installe Tinder.
Je suis sûre que tu trouveras facilement un jeune homme
à leur présenter si jamais »

Et puis quoi encore.

« Pitié
Ça se voit que tu ne suis pas
les aventures de Zoé
Il n'y a que des détraqués sur cette appli »

Je grimaçais en pensant aux captures d'écran de ses conversations sur cette application que mon amie avait eu l'occasion de me montrer. Des « on baise » pour entamer la discussion, aux couples en recherche d'un +1 pour leur plan à trois, en passant par les disquettes plus ringardes les unes que les autres, je n'avais aucune envie de me mettre à swiper.

« Tu sais que j'ai rencontré ma meuf sur Tinder quand même ? »

« Ah bon ??? »

« Oui, alors sait-on jamais ;) »

Et toi, les amours ?Where stories live. Discover now