Chapitre 5

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Incapable de faire quoi que ce soit d'autre, je me retrouvais avachie sur ma chaise blanche, au premier étage, qui correspondait en réalité au rez-de-jardin du centre, de la bibliothèque.

J'échangeais toujours avec Antoine, mais il me fallait plus de temps pour essayer de formuler des réponses aux questions qu'on se posait. Je ne savais pas trop combien de temps ce petit jeu allait durer, mais il me distrayait.

« Le 49.3 est-il démocratique ? » ; « Faut-il abolir la prison ? » ; « La justice est-elle vraiment laxiste ? » ; « Le cannabis doit-il être légalisé ? » ; « Un conseiller municipal ayant fait miroiter un logement en échange de relations sexuelles peut-il être ministre de l'Intérieur ? » ; « Sommes-nous vraiment jaloux des riches ? » ; « Pain au chocolat ou chocolatine ? ». 

Ses réponses me plaisaient, nous étions sur la même longueur d'ondes. Il semblait largement en faveur de l'émancipation des femmes, mais sans se qualifier de féministe, ce qui était pour moi un très bon point. « Être un homme et se dire féministe, c'est déjà être un peu sexiste », comme l'avait si bien écrit Miguel Shema dans son article publié sur le Bondy Blog.

Alors que je m'apprêtais à le questionner sur la thématique des violences policières, un mouvement sur ma gauche me fit sursauter.

Zoé.

Il était presque quatorze heures, et elle venait de s'assoir à côté de moi, sans rien dire. Le contexte de la bibliothèque étant peu propice à la discussion, je décidais de ne faire aucune remarque. Emilie, installée à ma droite, non plus.

Pour être honnête, j'aurais préféré qu'elle s'asseye à côté de mon autre amie. Je me retrouvais désormais entourée sur chacun de mes côtés par une de mes camarades, et je ne pouvais plus discuter aussi tranquillement avec Antoine sans craindre d'être épiée.

Je n'avais aucune envie de faire semblant de travailler, alors je mis ma tête entre mes bras croisés, et décidait de somnoler jusqu'à notre prochain cours. Tant pis pour mes cas pratiques de droit du travail.

Quatorze heures passées de quarante-cinq minutes. Il était temps de nous prendre un petit café avant de nous diriger tranquillement vers la salle 108 et notre ennuyant TD d'Anglais juridique.

Je n'avais d'ailleurs jamais compris pourquoi ces cours n'étaient pas organisés par groupes de niveau, comme les autres TD de langues dispensés au sein de notre université. Des bilingues se retrouvaient avec des presque néophytes, et les sujets abordés étaient depuis la L1 presque toujours les mêmes, avec en grande vedette la différence entre les systèmes britanniques et américains. Mais bon, je ne pouvais pas tellement m'en plaindre. J'avais plutôt un bon niveau et cela me permettait de rattraper ma moyenne parfois catastrophique dans certains enseignements de droit.

Arrivées devant la salle, nous avions encore un peu de temps avant le début du TD. Il n'y avait pour l'instant que nous. Après un regard échangé avec moi, Emilie se racla la gorge et interpella Zoé.

— Tu as passé une bonne soirée ?

L'intéressée arqua un sourcil, peu habituée à se voir questionner sur ses rendez-vous galants, si on pouvait encore les appeler comme ça.

— Oui, ça va, répondit-elle en haussant les épaules.

— Il s'appelait comment ? l'interrogea à nouveau Emilie.

— Pourquoi est-ce que tu me demandes ça ? rétorqua l'autre.

Son ton défensif nous surprit.

— J'sais pas, comme ça, répliqua Emilie. Pas la peine de s'énerver.

Et toi, les amours ?Where stories live. Discover now