Sophie Germain est née en 1776 à Paris, rue Saint-Denis. Ses parents sont des bourgeois aisés, cultivés et grands lecteurs. Son père, riche drapier, convaincu par l'importance de faire la révolution, siégera comme député du tiers état sur les bancs de l'Assemblée constituante dès 1789.
Et en 1789, Sophie a treize ans ; la Révolution française rend la vie à Paris dangereuse et les enfants, surtout les filles, ne mettent pas très souvent les pieds dehors. Sophie passe donc de longues journées à s'ennuyer ferme à la maison avec ses sœurs, et pour s'occuper, elle lit. Heureusement, la bibliothèque familiale est bien fournie ! Elle y découvre un texte sur l'histoire des mathématiques qui va changer sa vie : Sophie est frappée par l'histoire d'Archimède de Syracuse, et particulièrement par les circonstances de sa mort, tellement concentré sur les mathématiques, il ne se rend même pas compte qu'on l'assassine ! Pour être à ce point absorbé, pense Sophie, il faut que cette science soit extraordinaire !
Elle se forme aux mathématiques en parfaite autodidacte, décide d'apprendre le latin et le grec, et réussit rapidement à maîtriser ces langues généralement utilisées à cette époque pour la diffusion des sciences. Bref, une bad ass ! Son père tente tout d'abord de la dissuader de se tourner vers une profession « masculine » en confisquant les chandelles qu'elle utilise pour étudier la nuit. Devant sa détermination, il accepte finalement de la soutenir. À dix-huit ans, elle veut partir à la découverte des mathématiques qui lui sont contemporaines. Astucieuse, elle se procure les cours de l'École polytechnique (réservés aux hommes) et communique avec Joseph-Louis Lagrange, professeur à Polytechnique. Elle emprunte pour y arriver le nom d'un élève, Antoine Auguste Le Blanc. À cette époque, les professeurs ont l'habitude, à la fin de leurs cours, d'engager les élèves à leur présenter des observations par écrit. Sous le nom de « monsieur Le Blanc », Sophie envoie ses remarques à Joseph-Louis Lagrange qui, impressionné par la complexité et la rigueur de ses analyses, finit par découvrir la supercherie en la convoquant pour rencontrer ce mystérieux élève si brillant et qui ne vient jamais à ses cours. Nullement choqué, il devient au contraire l'ami et le mentor de la jeune fille.
Après cette rencontre, Sophie Germain acquiert une petite notoriété au sein du cercle des scientifiques parisiens. Le mathématicien et écrivain Cousin lui offre même de mettre à sa disposition sa vaste bibliothèque ! À vingt-cinq ans, Sophie annonce qu'elle ne se mariera jamais et ses parents, chose rare à l'époque, choisissent de la soutenir.
Elle se consacre donc entièrement à sa passion, échangeant avec les plus grands mathématiciens de son temps, inventant des théorèmes et cherchant à résoudre des problèmes, parfois pour Napoléon lui-même ! Elle cherche par exemple à expliquer un mystère qui intrigue l'Empereur : pourquoi, quand on frotte une corde de violon sur une plaque en métal sur laquelle on a déposé des petits grains de sable, le sable se rassemble-t-il en forme géométrique ? Elle réussira même à obtenir le prix de l'Académie des sciences, qui lui sera remis sans qu'elle puisse être présente, les femmes n'ayant pas le droit d'entrer dans l'enceinte de l'Académie. Elle sera la première femme à finalement y entrer, soutenue par ses collègues qui ne comprennent pas pourquoi une femme aussi brillante n'y siège pas !
Jusqu'à la fin de sa vie, Sophie se consacre corps et âme à sa passion dévorante, et son entêtement, sa capacité incroyable de travail auront permis à cette science qu'on croit souvent (à tort) réservée aux hommes, de faire de véritables bonds ! Grâce à elle, on a pu, entre autres, mettre au point les savants calculs pour construire la Tour Eiffel ! On lui a fréquemment reproché dans sa carrière son manque de connaissances mathématiques, sa méthode peu orthodoxe : Sophie n'ayant jamais été à l'école, elle a toujours dû improviser, malgré son étonnante capacité d'analyse ! Imaginez si elle avait eu accès à une éducation mathématique, à des professeur.e.s : grâce à ce temps gagné, elle aurait pu faire des découvertes extraordinaires !

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ʟᴇs ɪɴsᴏᴜᴍɪsᴇs
Non-FictionLes femmes qui peuplent ses chapitres ne sont ni polies, ni gracieuses, ni soumises : qu'elles aient accompli des exploits ou bravé la loi, elles ont toutes pris leur destin en main, dépassant la condition que leur réservait leur statut de femmes. F...