20 - Interlude

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Sofía, 23 ans



— Non.

    Surprise, on peut dire que je le suis. Stupide, c'est un titre qui m'a déjà été octroyée. Parce qu'aussi radicale que ma réponse a été formulée, réside un constat amer : je pourrais accepter et il n'aurait même pas besoin de m'y forcer.

Pitoyable.

— Ne fais pas l'enfant et monte dans cette foutue voiture.

    Un rire nasal involontaire m'échappe. Je hausse les sourcils, déroutée par son audace, tandis qu'immobile, son regard impavide ne quitte pas le mien.

— Bonne soirée, Ezekiel.

— C'est ça, soupire-t-il. Monte.

— T'es culotté, hein. C'est ta manière de traiter les gens ? Tu leur fais comprendre qu'ils te gênent, puis les traites comme des moins que rien. S'ils sont chanceux que tu ne les insultes pas... Ah non, mince ! Tu le fais aussi, en plus de détruire un de leurs biens. Merci, mais non merci.

    Mes poings demeurent serrés et je me retiens d'agiter un index sous son nez pour l'ennuyer. Je me ridiculiserais et EZ détestait cela. Indifférent à mes reproches, il lance un coup d'œil aux bâtiments qui nous entourent, sans doute embêté de m'avoir croisée. Moi, je souhaite le fuir au plus vite, tâtant ma poche à la recherche de mon téléphone portable.

— Ou tu montes avec moi, avance-t-il moins figue que raisin. Ou je te laisse imaginer l'éventuel scénario d'épouvante dans lequel tu te fais sauvagement agressée, voire pire, dans cette tenue minimaliste de citadine. (Il m'empêche de lui couper la parole en levant sa main entre nous deux, lorsqu'il voit que je suis prête à m'insurger). Tu ne représentes peut-être rien à mes yeux mais je ne tiens pas à avoir ça sur la conscience, ni que tu te retrouves en mauvaise posture.

    Il est très fort et pour l'heure, je ne suis pas un adversaire de taille. Parce que je n'aspire pas à attaquer et il fait tout pour. Son argument est solide mais tout réside dans la manière qu'il a de l'adresser, l'attitude dédaigneuse qu'il a adopté lorsque j'ai voulu lui couper la parole et pire, l'éclat victorieux de son rictus acerbe lorsqu'il m'observe prendre une grande inspiration.

— Va chier, OK ?

— Oui, j'irai. Maintenant, tu poses ton gros derrière sur le siège et tu t'attaches, je n'ai pas toute la nuit.

A cet instant, je pourrais jurer que je le hais. Il exige le jeu lorsque je souhaite arranger les choses, me faire sortir de mes gonds quand tout ce que je veux est privilégier le dialogue.

— Espèce de... T'es pas croyable.

— Monte dans le voiture, Sofía.

    Je rechigne, continue de tâter ma poche à la recherche de mon téléphone et peste contre lui. Et c'est moi, Méduse ? Mes yeux contemplent la rue animée, les gens de sortie et les types qui traînent devant le rideau en métal tagué du petit pressing. Le vidéo-club se situe juste derrière et les voir se tenir sur mon chemin m'aide à déculpabiliser de désirer monter avec EZ. Parce que je suis une imbécile, indécise et masochiste par-dessus le marché. Il est imbuvable et presque indigne de ma bonne volonté à lui courir après. Presque. Si une amie m'avait racontée une histoire aussi houleuse que la nôtre et des retrouvailles aussi catastrophiques, j'aurais été franche et intraitable : il faut qu'elle tire un trait sur cet homme. Seulement, EZ balaie ma sagacité et ma prudence. D'une grosse bourrasque mon pragmatisme s'envole, et à la naissance de la tornade assassine de son courroux gît mon amour propre, ma confiance en moi naissante et mon hardiesse. EZ a toujours une emprise sur moi, plus encore depuis que je suis revenue. Et moi, je ne suis qu'un insecte irritant qui voltige autour de lui.

SHOOK ONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant