Sofía, 23 ansJ'ouvre une nouvelle fois la bouteille d'alcool, verse le contenu et en imbibe un coton. Je ne m'attarde pas à me laver une nouvelle fois les mains, du sang séché macule la pulpe de mon index et mon majeur. J'ai beau avoir pris soin d'appliquer une compresse pour arrêter l'hémorragie, l'hémoglobine ne semble pas décidée à coaguler. C'est ainsi que les choses se déroulent quand on s'amuse à défier la mort, elle se rapproche un peu plus chaque fois. Inévitablement. J'ai le ventre si noué que je ne rêve que d'une chose, avaler un ou deux cachets et m'allonger en position foetale dans mon lit. J'ai envie de pleurer mais j'en demeure incapable. C'est comme si une pression enflait crescendo, qu'elle s'épanouissait sur mes épaules mais n'implosait jamais.
Je presse la solution désinfectante sur l'arcade sourcilière d'EZ. Seul un tic fait vibrer sa bouche, signe qu'il en souffre. J'y mets suffisamment de volonté pour qu'il comprenne mon agacement, suffisamment de pression pour le pousser dans ses retranchements.
Je jette le coton dans le lavabo et me dépêche de plaquer une nouvelle compresse sur son visage tuméfié et de la coller à un morceau de sparadrap. Et j'enchaîne, je désinfecte sa lèvre blessée, l'égratignure qui zèbre sa joue et m'attelle à son front, l'endroit qui mérite selon moi des points de suture. Je tapote, tapote et tapote si bien que mon geste déjà indélicat devient presque agressif. Je tapote si fort qu'il grimace et s'éloigne.
— Aïe ! T'y vas pas de main morte.
Nouvelle inspiration. Expiration laborieuse. Je ne remarque qu'à cet instant que mes mains tressautent et s'agitent.
— Débrouille-toi tout seul ! craché-je.
Je tourne aussitôt les talons, hâtée par la détresse de mon inquiétude. J'ai eu si peur pour lui. Avant ça, je lui ai fait de la peine. Et il me l'a très bien rendue, aussi souvent que je me pense dans le vrai, j'admets avoir été exécrable. Toutefois, le voir ainsi suffit à me remettre les pieds sur Terre, pas à décolérer.
Il crochète mon avant-bras d'une main et ma hanche de l'autre pour me retourner face à lui. Je n'ai pas le temps de protester qu'il me serre déjà dans ses bras, ses cuisses de part et d'autre de mes jambes et le front appuyé contre mon ventre. Je reste immobile, les bras le long du corps, le yeux figés sur un joint de carrelage blanc car je ne dois pas céder face à la verve de sa langue habile. Je dois lui faire comprendre qu'il ne doit pas nous faire endurer ça, ni laisser une peur pareille tenailler nos cœurs. D'autant plus que cet idiot sait que je suis incapable de le quitter pour lui donner une leçon. Je m'abstiens de baisser la tête vers lui lorsque je réalise que son geste le fait probablement souffrir et qu'il risque de tacher mes vêtements.
— Ne me tourne pas le dos. Pourris-moi mais ne te mures pas dans ce silence réprobateur.
— Que veux-tu que je te dise que je n'ai pas déjà dit ?
Il soupire par le nez et me serre plus fort encore, puis il glisse trois baisers successifs sur mon ventre et finit par relever la tête, le menton appuyé contre moi.J'impose une distance qui le blesse un peu plus et le petit diable sur mon épaule se réjouit de ma cruauté. Pas un regard, pas un geste. Seulement, mon coeur lui est dévoué à vie, en dépit de tout. Ma main droite rencontre l'arrière de sa tête où mes doigts serpentent entre ses cheveux.
— Je t'en veux.
— Je sais.
— Je te trouve inconscient.
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SHOOK ONE
RomanceLe crâne aussi dur que du granit, j'ai quatre ans quand Ezekiel Vasquez me l'enfonce dans les maxillaires et fait tomber une de mes dents de lait. Sept quand on décide de se griller des cigarettes pour les fumer. Et huit quand mon grand-père nous su...