Chapitre 21

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Qu viage de nuech noun vè que d'estela.
Qui voyage de nuit ne voit que les étoiles.
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Ils lui avaient fait perdre plus d'une semaine. Le maudit baron de Montmaur et son dernier homme s'étaient séparés peu de temps après avoir dépassé le village de Chorges.
Les deux hommes avaient choisi de délaisser la route principale qui longeait la vallée pour s'enfoncer dans les collines boisées du Serre. Les sommets des alentours entourés de mélèzes et de prairies offraient une multitude de sentiers qui reliaient les différents hameaux accrochés sur leurs pentes. Ils avaient dû se sentir plus en sécurité sous les arbres, avait-il pensé légèrement amusé par l'idée.

Au début, ils s'étaient contentés de faire des cercles concentriques autour d'un même point, revenant continuellement sur leur pas pour tenter de le surprendre. Le baron avait enfin compris que son ennemi ne se trouvait pas derrière lui. Il avait été long à la détente, s'était-dit Pasquet, pensant à ce moment-là que tout noble qu'il était, il ne devait pas être bien futé. Ensuite, lui et son lieutenant s'étaient mis à emprunter des chemins aléatoires pour tenter de brouiller leurs pistes et le faire tourner en rond. Ce qui lui avait effectivement compliqué la tâche. Merde ! Avec cette habile tactique, il courait le risque de ne plus être le chasseur mais bien de devenir la proie.

Après son embuscade près de la vieille masure de pierre, le baron avait donc décidé de le prendre à son propre jeu. À leur tour, les deux hommes se tenaient cachés en attendant qu'il approche pour le tirer comme un lapin. Monsieur de Montmaur s'était alors révélé bien plus malin qu'il ne l'avait cru et Pasquet avait presque faillit se faire prendre à deux reprises. Cela l'avait rendu fou de rage.

Il avait pourtant réussi à blesser le dernier lieutenant du baron, mais celui-ci avait tenu le coup. De fait, tous les jours, il avait été obligé de surveiller les deux hommes en même temps. Bien que la logique le lui dictait, Pasquet n'avait aucune garantie que ce soit le baron qui gardait le document sur lui-même et voulait donc éviter de se faire semer par l'un, comme par l'autre. Le trio avait alors joué au cruel jeu du chat et de la souris pendant plusieurs jours.

Pasquet était plus rapide que les deux hommes et il avait choisi d'achever le soldat en premier pour se concentrer ensuite sur le baron. Le prieur ne lui avait pas explicitement demandé d'éliminer ce dernier, mais pour lui, c'était l'unique fin logique à sa traque. Tout gibier devait être abattu à la fin de la chasse et c'était là le moment qu'il préférait. D'ailleurs, après tant de jours passés dans cette futile course poursuite, il pensait bien le mériter et avait grandement besoin de se défouler.

Enfin, après cinq jours à tourner autour des environs en espérant le surprendre, le baron et son homme s'étaient finalement séparés. L'un avait pris la direction du village de Savines, en redescendant vers la vallée. L'autre semblait rebrousser chemin pour revenir sur ses pas. Sentant le piège, Pasquet avait décidé de suivre l'homme qui reprenait la route en sens inverse dans le but de le tuer rapidement. Il rattraperait ensuite le second avant Boscodon. S'il n'y arrivait pas, il prévoyait de l'éliminer directement là-bas, dans l'enceinte même de l'abbaye. Bien sûr, l'affaire serait certes plus délicate à réaliser mais il réussirait bien à faire disparaitre l'homme et son précieux document. La réalisation des copies prendrait quelques jours mais pas plus, il avait donc un peu de temps.

Pasquet avait fait faire une boucle à son cheval, contournant le sentier qu'avait pris l'homme qu'il suivait. Aux empreintes lourdes qu'avaient laissé l'animal sur le sol détrempé, il avait compris que son cavalier était à bout de forces. Les profondes empreintes enfoncées dans le sol humide montraient que l'homme pesait de tout son poids sur le dos de sa monture, incapable de se tenir correctement sur la selle et ne pouvant plus la soulager. Les arbres étaient denses sur cette partie de la colline et la pente rendue glissante par les averses de ces derniers jours obligeaient les chevaux à garder une allure contenue.

Les larmes du RocherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant