I - UNA VIDA MENOS

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NILAJA
Deux ans plus tôt.

Le vol de retour à la maison a été le plus long de toute ma vie. Moi qui en temps normal adore prendre l'avion, partir d'un point A et m'amuser sur le B. L'excitation du voyage provoque en moi des émotions qui se bousculent un peu plus à chaque kilomètre parcouru. Dès que nous sommes arrivés à Marrero, Ismaël et les autres m'ont raccompagné en voiture jusqu'à chez moi, sa copine ne me trouvant pas en état de conduire la mienne.

    Le trajet fut très silencieux. Là où, auparavant, nous nous battions pour savoir qui irait derrière dans le coffre à cause de notre trop grand nombre, la voiture était plongée dans un triste calme et personne n'a pris la peine de prononcer un mot. Mes amis m'ont laissé la place côté passager. La tête contre la fenêtre, j'admire les voitures défiler, perdue dans mes pensées à me remémorer les fois où c'était lui qui me conduisait. Toutes les fois où il venait me chercher à chaque fois que je l'appelais en plein milieu de soirée.

Camélia et Fiona ont insisté pour rester avec moi au moins pour ce soir. Mais ça fait bientôt une semaine qu'elles dorment à la maison, j'ai insisté pour qu'elles retournent avec leur chéri respectif. Eux aussi, ont perdu quelqu'un de cher à leurs yeux et le soutien de leurs copines est la chose dont ils ont le plus besoin en ce moment. Même si honnêtement, je ne sais pas si je vais arriver à passer une telle étape toute seule.

La maison a l'air tellement vide à présent. Je n'avais même pas envie d'y retourner. Ouvrir le cercueil et aller dormir dedans aurait été une meilleure solution.

A peine ai-je fermé la porte derrière moi que mon corps entier a lâché. Mes jambes étaient en coton depuis l'instant où j'ai reçu cet appel, mais Dieu merci jusque là, je n'étais pas seule. Mon cœur n'a pas supporté de voir l'énorme cadre photo de mon fiancé en train d'embrasser mon front sur ce pont à Venise lors de notre dernier voyage ensemble.

    D'après les échos, l'Italie est un pays très raciste. J'avais donc été très réticente lorsqu'il m'a annoncé qu'on y allait pour fêter nos 8 ans de relation. Lorsque mon meilleur ami s'y est rendu, il m'a répété que tous les italiens le rendait mal à l'aise avec leur regard soutenu et que la seule fois où ils lui adressaient la parole, c'était pour lui envoyer des bruitages de singes. Mais mon chéri m'avait assuré que même si les habitants étaient peu commodes, la ville en valait le détour. Et il n'avait pas menti. Nous avons voyagé dans de nombreux pays durant les 6 dernières années, tous plus incroyables les uns que les autres. Mais l'Italie a vraiment été ma destination préférée. Je ne sais pas si je dis ça car c'était notre dernier voyage à deux ou parce que j'ai réellement apprécié ce qu'était la ville.

Notre si bel appartement qui était rempli de rire et de joie lors de nos soirées jeux entre amis, a désormais une ambiance lugubre pleine de souvenirs qui me semblent désormais tous mauvais.

Sans m'en rendre compte, je me suis retrouvée assise par terre, dos contre la porte à verser toutes les larmes que mon corps souhaitait encore me donner. Ma peine est tellement immense car j'ai réalisé ma plus grande peur : perdre l'homme que j'aimais plus que ma propre vie. Perdre ma moitié. J'ai l'impression que le monde entier vient de s'effondrer à mes pieds.

    J'ignore d'où cette force m'est survenue, mais j'ai réussi à ramper jusqu'au salon et ramasser le sweat rouge, qu'il n'avait jamais rangé dans son armoire. J'ai blotti l'objet contre ma poitrine en reniflant l'odeur du parfum à l'orchidée qui le recouvrait. Mes bras s'y sont agrippés comme si c'était la chose la plus précieuse que je possédais, comme si c'était la seule chose qui me restait de lui.

VOLVER A AMARWhere stories live. Discover now