treizième.

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—"A qui voulez-vous comparer Dieu? Et quelle image ferez-vous son égale?"

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"A qui voulez-vous comparer Dieu? Et quelle image ferez-vous son égale?"

Ésaïe‬ ‭40‬:‭18‬ ‭

Paris, 2000

- Luis ? Je peux vous poser une question ?

- Je vous en prie.

- Si vous aviez aimé quelqu'un dans le passé et que ça s'était mal fini, est-ce que vous vous seriez vengé ?

- Mal fini, c'est-à-dire ?

- Mal fini du genre, « j'ai découvert qu'il était fiancé ».

- Ah, ce mal fini-là. En vrai, je dirai que je suis bien trop pacifique pour que ce genre de question soit intéressante à me poser. La question qui conviendrait le mieux est " que ferait la plupart des gens dans cette situation ?".

J'hochai la tête, notant ses dires dans mes notes.

- Et donc, qu'est-ce que la plupart des gens ferait ?

- Ça dépend, rétorqua-il, buvant une gorgée de son thé. Pour certains, ce genre d'histoire serait la main les poussant au fin fond du trou, et pour d'autres, ce serait un peu comme...un carburant. Si je peux dire ça comme ça.

- Une genre de motivation ?

Il hocha la tête, déposant sa tasse sur la table.

- Et là encore, il y a plusieurs catégorie de personnes. Option une : ceux qui s'en servent pour avancer, que ce soit professionnellement ou autre - une genre de rage de vaincre positive. Option deux : ceux qui se servent de cette histoire comme d'un témoignage pour aider d'autres gens  rencontrant une situation similaire. Et option trois...

- Ceux qui se vengent, pas vrai ?, finissais-je, stylo toujours en main, notant tout.

- Effectivement.

- Quelle option est la plus populaire selon vous ?

- Toutes sont plausibles, dépendant des personnalités, des passés.

- Et s'il y avait de l'argent en jeu ?

- La trois, je crois.

L'argent serait donc sa motivation ?

- Pas forcément, les motivations sont parfois bien plus profondes tandis que l'argent n'est qu'un prétexte.

C'est moi ou il venait de lire dans mes pensées ?

- Je vois ce que vous avez écrit sur votre post-it, Béa.

Je déposai mon stylo.

- Ça explique la chose.

Il repris la tasse sur la table et bu la dernière gorgée de celle-ci avant de lancer :

- Et vous, quelle option vous auriez choisi ?

- Essayer de deviner, Docteur « je sais lire dans les pensées », dis-je, ironiquement.

- Je sais pas...la première peut-être ?

- Bravo, vous êtes perspicace.

Son fameux sourire en coin revint discrètement à la charge sur ses lèvres, tandis que son regard devint légèrement moqueur.

- Merci. Essayez de deviner pour moi, « Madame je ne me fie qu'aux premières impressions ».

- Quoi ? Moi ?, dis-je, l'air faussement étonnée.

- Vous m'avez pris pour un psychopathe !, ria-t-il.

-  J'ai pas dit psychopathe, n'abusez pas.

- On n'est pas à ça après. Je cite : "Docteur Clarck, est-ce que vous me suivez ? Je peux porter plainte pour harcèlement vous savez.", dit-il, imitant une voix féminine.

- Oh ça va. Passez à autre chose. Et puis je ne parle pas comme ça.

Il m'analysait depuis tout à l'heure, et je le savais, mais je ne disais rien. Ce que je savais aussi, c'est qu'il savait que c'était de Charles et d'Alice que je parlais, mais lui non plus ne disait rien. Il faisait semblant de ne pas savoir, sûrement par respect pour ma décision et pour que ça ne passe pas comme une « violation du secret professionnel ». D'ordinaire, je détestais qu'on puisse lire en moi comme Luis le faisait, mais là, c'était différent. Encore plus si on y rajoutait le fait qu'il persiste à jouer l'ignorant; je trouvais ça attentionné de sa part.

Je passais une mèche de cheveux derrière mon oreille.

- Bon, revenons à nos montons.

- À nos options, vous voulez dire, lança-t-il sur un ton moqueur, supplément clin d'œil.

- Pas drôle.

Il leva les deux mains en l'air, comme pour montrer son innocence et esquissa un léger sourire.

- Désolé.

Son sourire commençant à me contaminer, je continuai :

- Je disais donc : je pense que l'option deux vous irait bien.

- Ah bon ? Pourquoi ça ?

- Ça se voit que vous êtes le genre de personne qui inspire les autres et les aide à avancer. Et, puis, c'est ce qui correspond le plus au profil de psy.

- Bien vu.

Je tournai le regard vers l'horloge, sentant l'heure de manger arriver : dix-huit heures cinquante neuf.

- Il est bientôt dix-neuf heures, vous mangez ici ? Je compte commander.

Il regarda sa montre.

- Ça aurait été avec plaisir mais je dois y aller, désolé. Je dois rentrer à la maison avant de démarrer pour l'église.

- L'église ? À cette heure ?

- Veillée de prière. Bon, j'espère que ça ira pour ça, continua-t-il, désignant mes notes du menton.

Je hochai vaguement la tête. Je ne savais pas ce qu'était une « veillée de prière » mais je présumais qu'il devait trouver ça vachement chouette, de là à en sacrifier sa soirée.

Il se leva, prêt à partir.

- Encore merci pour le thé. Tu as le mérite de bien le faire.

Je fronçai les sourcils, surprise, tandis qu'il me regardait, légèrement perturbé.

- J'ai dit une bêtise ?

- Luis, c'est moi ou vous venez de me tutoyer ?

- Désolé, je crois que le fait qu'on passe autant de temps ensemble m'a perturbé. C'était pas volontaire.

- Non, aucun soucis. Ça m'a surprise, mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.

- On part sur le tutoiement, dans ce cas ?

Je hochai doucement la tête.

- Hm oui...On part sur le tutoiement.

Nous nous dirigeâmes vers le hall d'entrée où je lui ouvris la porte.

- À bientôt Béa, bonne soirée, lança-t-il, s'engageant dans le couloir.

- À vous...'fin à toi aussi, du coup.

Under The RainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant