Chapitre 1

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L'hôpital est silencieux la nuit. Le seul son qu'on peut entendre est le grincement des machines dont dépendent certains patients.

J'aperçois Georges, l'agent de sécurité, assis à son bureau, les jambes allongées sur la table. Il est dos à moi, ce qui veut dire que, en étant extrêmement discrète, je parviendrai peut-être à me rendre à l'ascenseur sans me faire voir. Ça semble impossible, mais je ne refuse jamais un défi.

Je marche jusqu'à l'ascenseur sur la pointe des pieds. Arrivée, je presse légèrement un bouton et une lumière indique que l'ascenseur est en route. J'attends quelques seconds et... ding !

«Merde! je songe. J'ai pas pensé à ça...»

À peine la sonnerie retentit, Georges se retourne et me regarde d'un œil noir. Grand et costaud, il est assez intimidant, mais dès qu'on discute avec lui, on se rend compte à quel point il est doux et gentil ; il ne ferait pas fait de mal à une mouche.

- June ! Mais que fais-tu ?

- T'étais pas supposé me voir..., je bougonne.

- Allez, retourne dans ta chambre.

Mais mon estomac ne veut pas lui obéir.

- Je veux juste aller chercher quelque chose à manger au premier étage, je tente.

- Tu sais bien que la cafétéria est fermée à cette heure !

- Oui, mais disons que je sais comment l'ouvrir...

Georges me regarde avec des gros yeux.

- Quoi ? je m'exclame. Il y a juste un grillage et il est même pas verrouillé !

- C'est vrai ? dit-il, l'air très intéressé.

- Oui.

Je fais mine d'entrer dans l'ascenseur, mais, peine perdue, Georges me bloque le chemin.

- Allez, s'il te plaît, je meurs de faim !

Il hésite.

- Nous savons tous les deux que c'est interdit..., dit Georges.

Moment de silence. Puis il ajoute :

- D'accord, je te laisse y aller ! Juste parce que c'est toi ! Mais si t'es pas revenue dans 5 minutes, je...

Je l'interromps avec un câlin.

- Merci Georges ! T'es le meilleur agent de sécurité !

Radieuse, je monte dans l'ascenseur et appuis sur le bouton «1» pour le premier étage.

❉❉❉

Je trouve dans une armoire des bâtonnets au fromage. Parfait.

Quelques minutes plus tard, je suis rassasiée et je m'apprête à ranger la boîte de craquelins quand j'entends un bruit.

Une sirène d'ambulance.

La curiosité me gagne. Je me dirige vers la pièce voisine, le centre d'urgence de l'hôpital. À peine arrivée, une civière franchit la porte centrale. Le reste se passe comme au ralenti.

Des médecins accourent. Des cris transpercent la salle.

Je reste clouée sur place quand la civière passe devant moi.

Dessus est étalé un garçon, pâle et haletant, le regard flou. Étrangement, ce qui me frappe le plus en le voyant n'est pas le sang qui s'échappe d'une plaie atroce au niveau de son abdomen, mais bien son visage. Il a une beauté sans pareil, des traits fins et délicats. Ses cheveux sont blonds cendrés et quelques mèches lui tombent sur le visage. Tout à coup, il tourne légèrement la tête, il m'aperçoit et, pendant un court instant, son regard se plonge dans le mien. Ses yeux sont d'un gris d'orage et on y voit clairement la souffrance. J'aimerais faire quelque chose pour lui, que ce soit n'importe quoi. Mais à la place, je reste là, à le regarder avoir mal sans pouvoir l'aider.

Soudain, un masque à oxygène s'écrase sur sa bouche, des médecins le traînent dans un couloir et la civière disparaît aussi vite qu'elle est apparue, me laissant seule et sidérée avec dans les mains une boîte de craquelins au fromage.

stay aliveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant