Chapitre 5

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C'est seulement de retour dans ma chambre que je me rappelle la promesse que je me suis faite.
Ne pas tomber amoureuse.
Ça me semblait si simple, mais maintenant tout a changé.
Il faut que je me rattrape ; je dois tenir ma promesse.
Pourtant, en y repensant, je me rends compte que, oui, ma promesse est de ne pas tomber amoureuse, mais ce que je souhaite avant tout est que Alex ne tombe pas amoureux de moi.
Parce qu'il n'est pas question de le rendre triste si je meurs.
C'est pourquoi, le lendemain matin, je préfère déjeuner dans ma chambre plutôt qu'à la cafétéria, et de même à l'heure du midi. Finalement, le soir, au souper, je m'apprête à faire pareil quand je vois Alex dans le cadre de porte.

- Pourquoi tu viens pas manger en-bas ? demande-t-il.

Je bafouille quelques mots avant de dire :

- J-J'ai envie de tranquillité.

Il fronce les sourcils, l'air peu convaincu.

- Tu m'évites, ou quoi ?

- Bien sûr que non ! je mens d'une voix un peu trop rapide, ce qui me rend encore moins crédible.

- Je vois..., dit Alex.

Il ne me croit pas, c'est évident.

- Bon, continue-t-il en souriant, et ton moment de tranquillité est terminé, ou pas ?

Je me rends compte à quel point Alex n'est pas du genre susceptible.

- Ouais, puisque tu viens de l'interrompre.

Nous rions. Puis, Alex vient s'asseoir à côté de moi en boitant.

- Tu ne dois plus marcher avec tes béquilles ? je demande.

- En fait, selon mon médecin, je dois encore les utiliser, mais c'est mon petit côté rebelle, tu vois.

Je ris, avant de reprendre mon sérieux et dire :

- Et ça va ? Je veux dire, ta blessure...

Je pointe son ventre qui a encore un pansement.

- En fait, quand il y a eu l'accident de voiture, j'ai reçu quelque chose comme de la vitre proche de ma rate et la plaie s'est infecté. Je vais avoir une opération dans les prochains jours. À part ça, ça va.

Je reste muette et nous n'échangeons aucun mot pendant à certain moment.

- Il s'appelait Thomas.

Je le regarde, sans comprendre.

- Le garçon qui était dans l'autre auto. Il n'avait pas vu la lumière rouge, disons qu'il avait beaucoup bu... C'est allé trop vite, je ne l'ai pas vu arrivé. Il n'a pas survécu...

Il baisse la tête et je peux voir ses yeux remplis de tristesse.

- Je suis désolé.

Alex me sourit faiblement et dit :

- Tu dois avoir faim, t'as pas encore soupé ! Allez, viens.

❉❉❉

Après avoir mangé à la cafétéria en compagnie d'Alex, nous profitons de notre temps libre pour discuter un peu.

- Hey ! s'exclame soudain Alex. Tu savais qu'il y a une porte au neuvième étage qui mène tout droit au toit ?

- Non ? C'est fou, je suis ici depuis deux mois et tu connais déjà plus l'hôpital que moi !

Il rit, puis me prend par la main en disant :

- Viens, je te montre.

Nous entrons dans l'ascenseur et Alex pèse sur le bouton numéro neuf. Au dernier étage de l'hôpital, il me guide dans les couloirs en essayant d'éviter les infirmiers, qui pourraient nous questionner sur notre présence ici, pour ensuite aboutir devant une porte grise où les mots «Réservé au personnel» sont inscrits.

- C'est drôle, j'ai l'impression que tout ce que je fais avec toi est illégal.

- C'est mon petit côté bad boy, répond-il en me lançant un clin d'œil.

Alex ouvre la porte et nous débarquons sur le toit.

- Wow, m'émerveille-je.

Les bâtiments et les rues de notre petite ville s'étendent sous un splendide coucher de soleil à l'horizon. La vue n'est sûrement pas aussi belle que du haut d'une montagne, mais ça nous change du décor blanc et ordinaire de l'hôpital.

Je regarde Alex aller s'asseoir à moins de dix centimètres du bord du toit.

- Tu viens ? me demande-t-il.

Je vais m'asseoir à ses côtés, en regardant en-bas du toit, un peu apeurée.

- Tu trembles, dit-il.

- Pas du tout ! C'est juste que je me sens pas trop à l'aise d'être si près du vide...

- T'as peur ? Et si je fais ça...

Alex me donne une légère poussée sur l'épaule et je cris :

- T'es malade, arrête !

Il rit et je ne peux m'empêcher de sourire moi aussi. Soudain, il se tourne vers moi et ses yeux se plantent dans les miens. Nous nous regardons un instant, puis Alex se penche vers moi. Je regarde sa bouche, aux traits fins et délicats, ses magnifiques yeux, d'un gris d'orage. Il se penche davantage et je peux sentir son souffle. Mon cœur se met à battre la chamade et je m'efforce de le calmer. Alex se rapproche encore et nos visages ne sont plus qu'à cinq centimètres l'un de l'autre, quand la promesse que je me suis faite me reviens en mémoire.

- Alex...

Il baisse la tête, sans me regarder dans les yeux, et s'écarte.

- Je suis désolée..., dis-je.

Alex se lève abruptement.

- T'as pas à t'excuser, répond-il d'une voix impassible. C'est ma faute, j'aurais pas dû faire ça.

Il se retourne et s'apprête à partir sans rien ajouter, quand je m'écris :

- Attends !

Il me regarde enfin dans les yeux et je peux y voir de la déception et de la tristesse, même s'il s'efforce de le cacher.

- C'est juste que..., commence-je, sans trop savoir quoi dire. Je suis malade, et si je meurs...

J'attends qu'il dise quelque chose, mais il reste muet.

- Je veux pas te faire de peine.

Nous restons en silence un moment, puis Alex dit :

- Dès que quelqu'un s'intéresse à toi, tu le repousses. T'es pas obligée de faire ça, tu sais.

Il marque une pause.

- Arrête de t'empêcher de vivre à cause de ta maladie.

Puis, il s'en va.

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