Partie 1 : l'Enfance. I. L'enfant du désert

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Je profite d'y penser encore pour le poster avant d'aller travailler... Pas sûr que je sois en forme plus tard... je vous souhaite une bonne lecture et à plus tard!
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— Papa ! Regarde!

Saul sourit devant l'admiration de sa fille. Avec l'aide d'un bâton, Katalina montrait des fourmis ouvrières transportant les restes d'une araignée. Le père frotta la petite tête brune flamboyante et lui tendit sa gourde. L'enfant, qui ne devait pas avoir plus de sept ans, but tout son saoul, sans quitter les insectes des yeux.

La petite famille profitait d'une oasis avant de reprendre leur chemin dans les terres désertiques. Saul avait la trentaine, des yeux bleus comme l'océan et des cheveux aussi noirs que le jais, couverts d'un voile sombre. Sa fille avait hérité de ses yeux, mais ses cheveux étaient bruns, tirant sur le roux lorsque le soleil jouait avec ses mèches. Le voile qui avait glissé sur son cou était de couleur vive, trésor hérité de sa mère. Une femme que peu de gens connaissaient et qui n'avait malheureusement pu survivre à son accouchement.

Saul n'était pas rancunier et était simple ; il ne considérait pas sa fille comme responsable, mais comme son unique trésor. Il l'élèverait pour deux et si bien qu'elle n'aurait rien à envier aux autres enfants. Il lui apprendrait tout ce qu'il savait et lui transmettrait ses valeurs pour vivre en toute honnêteté dans ce monde. La fillette était sa priorité.

Le père remplit l'outre en peau de chameau et ramassa des dates ainsi que tout ce qui était mangeable et qui pourrait lui servir. Si ses calculs étaient bons, ils arriveraient dans le village de sa femme d'ici un mois. Lui n'avait plus de famille. Entre temps, ils passeront quatre, peut-être cinq, villages où ils pourront se reposer. Quitte à se ralentir, ils n'étaient pas pressés.

Une fois prêts à partir, Saul porta Katalina et la posa sur son chameau. Il s'installa ensuite. Il en profita pour remettre le voile de l'enfant en place alors qu'elle babillait joyeusement à propos de tout ce qu'elle voyait. Comme l'indiquait son nom, les Plaines Désertiques étaient désertes. En dehors de quelques villages et oasis, il ne s'agissait que d'une vaste étendue sablonneuse. Elle avait un autre nom, mais ses habitants l'avait oublié et préféraient celui qu'ils lui avaient donné. Ils vivaient dans le désert et ils en étaient fiers. Pourtant, la fillette trouvait toujours une dune différente ou un nuage à la forme peu commune.

Lorsqu'elle en eut assez de parler, elle attrapa son ouvrage avec l'aide de son père, et continua à tresser son panier. Les herbes utilisées proviennent d'une plante plus souple que le roseau, gorgée d'eau  et se trouvant parfois en plein désert, en dehors des oasis. Il suffit de les vider avant de les faire sécher et les battre au soleil. La petite, bien qu'elle n'ait pas encore suffisamment de force, le faisait, accompagnée de son père.

— Papa, pourquoi le lion mange-t-il la gazelle ? Ne peut-il pas se contenter d'herbe?

— Eh bien, si personne d'autres que les humains ne mange de la viande, rien ne pourra réguler la population des herbivores. Et le lion a aussi besoin de viande dans son alimentation.

— Mais personne ne tue les lions!

— Parce qu'il n'y en a pas besoin. Une fois qu'ils deviennent trop faible pour chasser, ils meurt et leur corps vient nourrir les plantes que mangent les gazelles.

— Nous aussi?

— Nous aussi. C'est la loi de la nature.

— C'est une loi juste, acquiesça l'enfant.

— Ce que tu as pris, tu le rends. Ce que tu as donné, tu le reçois, ce que tu as défait, tu le refait.

Katalina prononça les derniers mots avec son père. Une leçon qu'il lui répétait sans cesse et qui dirigeait leur manière de vivre.

La fillette n'avait plus d'herbes prêtes pour continuer son panier lorsqu'ils virent le premier village qui leur servirait d'escale. Les habitations du déserts liaient pierres ocres, bois et tentures de peaux. La palissade dressée n'était pas pour se défendre d'éventuelles invasions, mais plutôt pour se protéger des vents violents et du sable qu'ils projetaient.

Tous les villages suivaient un même modèle : la source d'eau était au milieu.  Et comme cela était le cas dans ce village, un sillon était creusé pour aller dans la seconde enclave dédiée aux cultures. Bergeries et étables se trouvaient à l'entrée des bâtisses. Entre les deux se trouvaient les artisans puis les habitants. Une centaine de personnes à peine vivaient là et il s'agissait de l'une des plus grosses agglomérations de la Plaine.

La petite famille trouva bien assez rapidement quelqu'un pour les loger dans leur demeure. Ce qui n'avait pas été compliqué puisque c'était la nature des gens du Désert. Que ton visiteur soit ton frère, traite-le comme s'il était ta chair et ton sang. Du moins c'était ce qui se disait dans la très grande majorité des foyers et des villages.

Leur hôte était un chamelier aux cheveux et à la peau dorés de soleil. Un taiseux, un peu rustre sur les bords mais qui se montra remplis d'attention. Il n'était pas très jeune mais il installa soigneusement leur natte et porta la brunette sur ses épaules lorsque Saul la confia à ses soins. Il lui montrait chaque ateliers de la ville et répondait de son mieux à ses questions.

Ils restèrent deux nuits avant de partir au matin du troisième jour. À l'heure où les bergers sortaient leurs bêtes et le soleil encore frais. Katalina n'était pas réveillée et se rendormit tout contre son père une fois le voyage repris. Celui-ci en revanche ne semblait guère serein. Quelque chose le troublait, et il avait dû raccourcir la durée de leur escale.

Parfois, il jetait des coups d'œil derrière lui, comme s'il était suivi. Mais il n'en était rien. Il n'y avait que l'étendue sablonneuse et quelques branches de palmiers ou de cactus. Rien de bien menaçant.

Bientôt, au bout de quelques jours, ils aperçurent un campement. Ou plutôt, un hameau. Une source avait dû être découverte récemment et le village se formait autour. Pour se protéger du sable, les villageois avaient commencé d'ériger leur digue avant de bâtir les fondations de leurs demeures. Elle ne dépassait pas les toits de peau et faisait sans doute entre deux et trois fois la taille d'un enfant.

Les habitants étaient recouverts de la poussière ocre, chacun participant à la construction. Les quelques bêtes étaient mises ensemble et confiées à deux jeunes gens ainsi qu'aux enfants. Les vieilles dames et les femmes enceintes s'occupaient de ceux qui ne pouvait les rejoindre pendant que les vieux hommes restaient à la disposition des travailleurs, leur apportant eau et nourriture, transmettant des indications. Les plus atteints restaient cependant avec les enfants. Ils avaient des histoires à raconter à défaut de pouvoir tenir debout longtemps.

Les vêtements étaient remontés jusqu'aux cuisses et attachés à la taille. Les femmes avaient délaissé leur grand voile rectangulaire pour celui des hommes, plus petit, pouvant s'enrouler facilement autour de leur cou. Au milieu de tout cela, des rires, des interpellations joyeuses, des chants. Lorsque le mur serait assez haut, d'ici quelques mois, toute activité s'arrêtera pour laisser place à la célébration du nouveau village. Les instruments accompagneront les danses et les jeux trois jours et trois nuits durant. Toutes les demeures de toiles auraient été enlevées pour laisser la place à la fête. Ensuite, il leur fallait bien construire les maisons des hommes et celles des animaux. Pendant ce temps des jeunes gens seront envoyés à travers le désert pour récupérer des graines de culture. Enfin, quand tout sera terminé, le chef du village sera désigné par les doyens. Très souvent, c'était un poste transmis de père en fils mais certains cas poussaient les doyens à se manifester et en désigner un nouveau. Pendant que la décision était prise, si elle vivait encore, la femme du chef abandonnait ses activités pour prendre sa place, ou bien sa sœur ou sa fille aînée et rejoignait les doyens à la tombée de la nuit afin de connaître les avancées de la discussion.

Katalina : La voix du DésertOù les histoires vivent. Découvrez maintenant