Partie 2 : Papa. V. Les traces de Saul

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La jeune fille s'épongea le front et s'adossa à un dattier. Son chameau buvait dans l'un des deux seaux qu'elle venait de remonter du puit. Elle en profita pour terminer son outre et la remplir dans le plus petit seau.
Sa peau dorée faisait ressortir ses yeux bleu limpide, scrutant l'horizon. Pas un nuage de poussière ne témoignait d'une quelconque activité. Elle était à une semaine des villages des Plaines Venteuses et aucune trace de son père encore. Malgré plusieurs lunes de recherche.

Elle reprit sa route, patiemment. Elle savait qu'un village n'était pas loin pour qu'elle puisse y faire escale. À mesure qu'elle s'approchait de la frontière avec les Plaines Verdoyantes, les oasis et les villages étaient plus fréquents. Le sable se faisait plus épais et le vent plus doux.    De plus, les villages frontaliers, dans un rayon de trois jours de marche, étaient les seuls du désert considérés comme « civilisé ». Après tout, le commerce y était facile et les affiches des criminels y étaient exposés. C'était une façon légèrement différente de vivre.

À l'ombre d'un arbre, la jeune fille finit par s'étendre par une chaude après-midi. Un morceau de tissage coincé sous une pierre l'attira. Elle l'attrapa, le glissa jusqu'à elle pour retrouver des traits sortis de sa mémoire. Des rides aux coins des yeux, aux coins des lèvres, des yeux plissés par le soleil, une oreille entaillée autrefois. Aucun éclat de joie n'irradiait pourtant de ce visage.

Katalina le contempla longuement. Elle se remémorait tous ses souvenirs passés avec son père. Ils étaient tous, ou presque, rempli avec le sable du désert. Celui des nomades. Et quand cette vie s'était terminée, il avait aussitôt disparu.

Le parchemin enroulé et elle reposée, elle se dirigea vers le village suivant. Retrouver son père sera plus facile maintenant qu'elle avait un support.

« Qu'est-ce ce que tu lui veux à ce bandit? »

Si elle avait eu un doute sur la fonction de son parchemin, le ton employé de mépris la renseigna. Même si les gens du Désert étaient ouvert à l'autre et partageaient tout, ou presque, les voleurs étaient haït. Si bien qu'ils étaient très volontiers lynchés avant d'être remis à l'autorité la plus proche. 

« J'ai une vieille histoire à régler avec lui. »

Ce n'était pas totalement faux. Il ne s'agissait seulement pas du genre d'histoire auquel on penserait forcément dans cette situation.

« Et bien tu arrives en retard. Il est parti  avec ses compères pour la capitale il y a un mois au moins.

— Ses compères ?

— Ils sont toujours à trois pour faire le coup. Pas pour toi?

— Il n'y avait que Saul à l'époque.

— La bonne blague, railla un vieil homme qui tressait une corde à côté. Saul tout seul ne faisait rien. Il avait sa fille. Une jolie petite, comme sa mère. Il a dû la perdre elle-aussi. Il a sans doute rencontré ces serpents au mauvais moment et les suivre.

— Tu n'as pas vu l'image que tu parles aussitôt de lui? Tu es surprenant Mirek.

— Je n'ai pas besoin de voir pour entendre. Tu en connais beaucoup des trios qui se sont fait arrêter il y a un mois? Surtout quand l'un d'eux s'appelle Saul.

— Vous le connaissiez ?

— Et comment! Nous venons du même village! Il serait étonnant que ce vieil homme l'oublie. Je me souviens toujours de mes amis ou de leurs enfants. Même quand eux m'oublient.

— Tu n'as même pas pu confirmer avec tes yeux de son identité. C'en est peut-être un autre.

— Je n'ai peut-être plus mes yeux, mais j'ai une voix pour demander et des oreilles pour écouter. La description qu'on m'en a faite correspond.

— Il est donc à la capitale ?

— Il devrait y être maintenant. Vous partez déjà ?

— Mon affaire n'attend pas, lança la jeune fille en prenant la bride de son animal.

— L'hiver arrive bientôt pourtant! »

Katalina ne l'entendait plus. Enfin, elle ne l'écouta pas. L'aveugle appela son compagnon pour l'aider dans son ouvrage.

« De quelle couleur était ses cheveux ?

— Ils n'étaient pas roux et pourtant, ils flamboyaient au soleil.

— Et ses yeux ?

— Ils étaient bleus. »

Mirek sourit. Il tâta le tas de corde que son compagnon finissait d'enrouler et repris son tressage. Il ne répondit pas à son interrogation.

Maintenant qu'elle avait une destination précise, la fille de Saul ne s'arrêta plus, ou peu. Le vent d'hiver s'annonçait déjà mais elle continuait son chemin. Son voile était remonté, ne laissant apparaître que le haut de son visage. Avant qu'elle ne franchisse ce qu'on considérait comme la frontière entre les Plaines Désertiques et les Plaines Habitées, une famille la mit en garde contre le froid plus vigoureux de l'autre côté en lui donnant une fourrure. Ce n'était pas avec ses vêtements qu'elle y survivrait. Le village de l'autre côté l'accueillit volontiers, avec un parler similaire mais ils étaient moins familiers. Le village avait encore l'apparence des siens. De hauts murs contre le vent mais le matériau n'était pas totalement le même. Les étables n'étaient pas protégées par le mur, mais elles étaient derrière le village. Presque sans défense. En revanche Katalina ne fut pas intégrée à une famille mais on la laissa loger dans le gîte des invités de passage. Avec d'autres. On la laissa travailler mais ce n'était pas en échange du vivre et du couvert. On lui donna une piécette en précisant bien que le reste était déjà donné au chef du village pour son logement.

Comme si Katalina voyait une quelconque utilité à ce petit bout de métal. Même si on lui répétait maintes fois à quel point il était important. Ils ne la laissèrent d'ailleurs pas partir avant qu'elle ne comprenne que cela lui serait utile plus profondément dans la région et qu'elle ait amassé une bonne petite bourse. Cela lui demanda bien un mois et demi.

Le reste, elle le comprit au fur et à mesure de son avancée. Les villages s'étaient transformés en villes, les murs n'étaient pas si haut et les piécettes étaient très régulièrement demandées pour le logement et la nourriture. Elle avait finit par planter sa tente près de ses étapes, y travaillait pour se nourrir et économiser pour Kap. On lui avait indiqué qu'elle ne pourrait pas y planter sa tente par manque de place.

Parce qu'elle n'était pas des Plaines Habitées, elle trouvait du travail assez facilement. Après tout, plus elle s'enfonçait, plus ses employeurs la payaient moins que les autres. Elle ne le remarquait pas puisque pour elle, elle gagnait un peu plus que dans ses premiers villages.

Katalina : La voix du DésertWhere stories live. Discover now