II. Reste avec moi

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Saul et Katalina s'installèrent avec les habitants du village et se mêlèrent à leurs activités. La fillette se trouva rapidement des amis en gardant les bêtes et jouant autour d'elles. Ce n'était pas une tâche difficile puisque la plupart du temps elles ne bougeaient pas et ne sortaient jamais trop longtemps du troupeau. Les plus grands, chargés de veiller sur tout ça les laissaient faire, attentifs aux mouvements dangereux. Du moins c'est ce qu'ils devaient faire en pratique. Parfois, il arrivait que l'un d'eux s'endorme, fatigué des travaux accomplis les jours d'avant. Ses vêtements étaient encore maculés de boues et ses muscles étaient tendus. En général, les enfants les laissaient tranquilles, bien trop contents entre eux pour remarquer quoi que ce soit. En revanche, cela ne voulait pas dire qu'ils délaissaient les bêtes. Ils étaient suffisamment grands pour reconnaître le language du bétail et la meilleure démarche à suivre. Même s'ils avaient passé, comme Katalina, plus de temps à dos de chameau qu'à les garder.

Lorsque les bestiaux revenaient le soir, les jeunes gens lâchaient leurs outils et les ramenaient dans leurs enclos. Ils laissaient les enfants courir vers leurs parents et s'amuser un peu avec la construction. C'était le signal que tous attendaient pour commencer les préparatifs du repas et du coucher. Les jeunes de treize à quinze ans retrouvaient leur liberté et se retrouvaient. Ceux de seize ans aidaient leurs parents et ceux de dix-sept se lançaient quelques regards. Le tout observés avec amusement par les doyens de chaque famille qui n'avaient d'autre occupation que d'empêcher les enfants d'être dans les pattes de leurs parents.

Cette fois, c'est une famille qui les accueillit. La mère devait avoir la vingtaine et allaitait son deuxième enfant pendant que son époux surveillait leur ragoût. Saul tout en découpant la viande et discutant avec le nommé Syrel gardait sa fille du coin de l'œil. Celle-ci tenait compagnie à la jeune femme, curieuse de ce tout petit être et cet autre-ci qui tenait à peine sur ses jambes.

— C'est une fille ou un garçon ? Moi aussi je n'avais pas de cheveux ?

— Tu ne devais pas avoir d'aussi beaux cheveux que maintenant, lui sourit-elle en lui caressant la tête, replaçant son voile. C'est un garçon. Il s'appelle Kere.

— Kere et Firek... qu'est-ce que cela veut dire?

— Firek signifie robuste et Kere la force.

— Moi ça signifie « fougue » claironna-t-elle de sa petite voix. C'est ma maman qui l'a voulu! Et Papa a juste choisit la dernière syllabe.

— Ma mère s'appelait Locina et ma femme Mena, expliqua Saul. Il me semblait logique de rajouter « na ».

— C'est un nom sophistiqué, vous n'êtes pas des Plaines Désertiques ?

— Mon père vient de Rel, un petit village des Plaines Verdoyantes où les gens de mon village faisaient paître leurs bêtes de temps en temps. Ma grand-mère était une femme de poigne et elle refusa que sa fille quitte son foyer pour le style de vie des gens de là bas. Mon père m'a fait promettre de ne pas limiter le prénom de mes enfants à un adjectif par esprit de revanche.

Les adultes rirent de bons cœurs. Tout comme leurs lieux de vie l'étaient, les caractères des habitants étaient différents. Ici, les femmes avaient du caractère et personne ne s'embarrassait de détails. Un nom, c'était un espoir pour l'avenir de l'enfant. Là-bas, ils étaient plus doux, peut-être parce qu'ils avaient des ruisseaux en abondance. Un nom était un espoir, oui, mais si tout le monde portait le même nom et que la sonorité ne convenait pas ça ne servait à rien!
Dans les plaines habitées les noms pouvaient ne pas avoir de significations particulières. Ils pouvaient être à la fois aussi doux que des agneaux qu'aussi désagréables qu'un troupeau de buffles dans les champs.
Pour ceux qui venaient des régions montagneuses, ils avaient la réputation d'être un peu grognons. Mais rien n'était sûr puisqu'ils ne partageaient aucune frontière avec le désert.

Katalina : La voix du DésertWhere stories live. Discover now