3-Damian

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L'ambiance dans la bodega du Stade Ernest Wallon atteint des sommets seulement une heure après la victoire des Rouge et Noir à domicile contre l'ennemi britannique : les Sale Sharks. En même temps le score est ahurissant : 60 à 7 pour la mafia cassoulet, comme aiment nous surnommer les détracteurs. Mais peu importe les mauvaises langues, ce soir, les supporters toulousains s'embraseront jusqu'au bout de la nuit, et rien que d'y penser, un sourire débile me fend la gueule en deux.

Bousculé de toutes parts, je dois rouler des épaules pour me frayer un chemin à travers la foule compacte. Les cris fusent, les rires retentissent, les conversations s'enflamment par-dessus la musique.

"C'était Loli,

C'était Loli, c'était Lolo, c'était Lola"

Enfin parvenu au bar à vin avec difficulté, je commande une bouteille de Gaillac, chope deux verres consignés, puis repars en direction de la sortie, tout en protégeant mon précieux chargement.

Une fois à l'extérieur, j'accueille l'air frais de fin janvier tel un don du ciel après cette cohue étouffante.

— Damian ! m'interpelle Simon depuis une table sur la droite.

— C'est blindé à l'intérieur. Je sais pas comment ils font pour respirer ! lui lancé-je.

— Le supporter de rugby est un spécimen vigoureux.

— Pas faux.

— D'un point de vue scientifique je dirais même que c'est une sorte d'animal amphibie.

— Développe, ris-je en lui tendant verres et bouteille afin de renfiler mon blouson.

— Respirer n'est pas un besoin vital pour lui, en revanche, boire jusqu'à se noyer dans l'alcool, si.

— Ouais et bien me concernant, j'aurais plutôt besoin de manger. Je crève la dalle, les food-trucks sont de l'autre côté, on y va ?

— On doit d'abord attendre ma sœur. Je lui ai donné rendez-vous ici.

— À cette table précisément ? m'étonné-je.

— Oui, c'est notre point de ralliement depuis toujours. Regarde, on y a même gravé nos initiales.

De son doigt ganté Simon me pointe une inscription imaginaire sur ladite table...

— Trop mignon, me moqué-je. Tu feras comment le jour où ils l'enlèveront ?

— Enlever qui ? Ma sœur ?

— Non, ta mère.

— Hein ? Qu'est-ce que ma mère vient...

— La table Simon ! Comment tu feras si un jour elle disparaît ?! je le coupe, hilare.

— On s'adaptera. On est résilient dans la famille.

Sur ce il jette des regards agacés autour de nous, puis résigné, rempli nos verres.

— Comme d'hab, elle est en retard, marmonne-t-il.

Simon et moi nous sommes rencontrés à l'hôpital lorsqu'il est revenu sur Toulouse faire son internat de gynécologie et moi celui de pédiatrie. Il m'a d'abord dragué avant de comprendre que cela resterait strictement platonique entre nous pour cause de différents sexuels irréconciliables...

Cependant, ayant le même humour de merde et des centres d'intérêts communs tels que le rugby, les polars gores et la médecine, nous sommes naturellement devenus de bons amis.

— Dire que je vais enfin rencontrer ta famille après tout ce temps, souris-je, en buvant.

— Ouais, ça y est, notre relation devient officielle. Tu te sens prêt ?

Virgin LoveWhere stories live. Discover now