30-Damian

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Une fois garé devant la maison des Abadie, le poids de ma nuit s'allège. Je sais que derrière cette porte bleue se trouve le réconfort dont j'ai besoin, bien plus qu'au sein de ma propre famille.

Quelle famille d'ailleurs ?

Ma mère et moi sommes proches, nous nous appelons chaque semaine mais nous ne sommes que deux, alors peut-on réellement parler de famille ?

Je ne me vois pas la réveiller en pleine nuit comme j'ose le faire avec Simon, dans le seul but de lui partager les affres de mon métier. Elle en crèverait d'inquiétude. Quant à mon géniteur, je n'ai plus aucun lien avec lui. Son unique rôle fut de détruire les relations entre chacun de ses enfants. Grâce à lui, mes sœurs et mon frère n'en ont plus la fonction, seulement le titre.

J'imagine que ma mère et moi sommes donc une sorte de duo familial, et cela me convenait assez jusqu'à ce que je rencontre Simon et les siens.

Plus le temps passe et plus je désire la même chose : des valeurs fraternelles fortes ; des repas bruyants ; des brunchs du dimanche improvisés ; des vacances qui dégénèrent ; ou encore pouvoir débarquer à pas d'heure au sein d'un endroit appelé « foyer » pour m'y retrancher lorsque c'est nécessaire.

Soudain, un bruit sec interrompt le fil de mes pensées et je découvre Simon, en robe de chambre mauve, le visage collé au carreau de ma caisse.

— Tu comptes bouger de là un jour ?! crie-t-il.

J'acquiesce, me donne une claque mentale puis coupe le contact avant de m'extirper de la voiture. Le jour presque levé me permet de détailler son étrange tenue...

— Sympa ton peignoir, souris-je en apercevant l'énorme lama turquoise brodé au dos.

— C'était à Ambre au lycée, j'ai trouvé que ça.

— Et tu y rentres ?

J'obtiens un regard outré de Simon, néanmoins il n'ajoute rien puis esquisse un sourire amusé.

— Tout le monde dort ? l'interrogé-je.

— Oui. Suis-moi.

Lorsque nous pénétrons à pas de loup dans la maison silencieuse, seule une petite veilleuse éclaire timidement le salon. Ambre et Gina sont allongées l'une contre l'autre devant la télé sur un matelas de coussins. Profondément endormies, elles sont roulées en boule sous d'épais plaids tandis que des cadavres de sachets de chips, de pop-corn et de la vaisselle sale jonchent leur lit de fortune.

— « Soirée filles » chuchote Simon. Elles sont en pleine phase régressive. Ça leur arrive de temps en temps.

J'attends de monter l'escalier pour demander d'une voix que j'espère détachée :

— Ambre n'avait pas un rencard ce soir ?

— Si... Elle te racontera. Un seul mot : épique.

— Un connard ? murmuré-je.

— Ouais, du haut niveau.

Plusieurs émotions fortes m'étreignent la poitrine en entendant cela, la première est un sentiment de protection intense suivi de très près par... la jalousie. J'ignore les deux en me persuadant que c'est mieux ainsi : Ambre mérite le meilleur et ce n'est vraiment pas ce que je suis en ce moment.

— Merde. Je pensais bien faire en l'inscrivant sur cette application. Youssef y a rencontré Lola, ils vont se marier...

— Je sais. Après c'est le jeu des applis. Au moins ma sœur sort du trou où elle se terrait. Ne culpabilise pas. Elle est adulte, t'as bien fait de la secouer un peu, elle en avait besoin.

Virgin LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant