11-Damian

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— J'ai tellement eu de rencarts que je peux envisager une reconversion de love coach avec sérénité. Tu seras ma première cliente et pour toi ce sera gratuit !

Les sourcils au-dessus de ses deux billes noisette se froncent, sa belle bouche se tord en une moue désapprobatrice et je comprends que ma tentative d'humour a loupé sa cible.

Encore une fois j'essayais de l'aider, et encore une fois ma maladresse a pris le contrôle de ma maudite langue.

J'ignore ce qui me perturbe le plus : de me révéler si nul face à elle ou que cela ait tant d'importance à mes yeux ?

Je me fatigue...

Pourtant je sais trouver les bons mots avec les enfants que je soigne, avec mes collègues que j'épaule ou avec les filles que je drague, mais Ambre... Ambre la psychologue provoque ce truc schizophrénique en moi.

D'un côté je souhaite me montrer sous mon meilleur jour car elle est la sœur de mon pote, de l'autre, mon inconscient semble vouloir tout faire foirer entre nous. Annihilant à la racine chaque possibilité de liens, mêmes amicaux.

Et je crois savoir pourquoi...

La dernière femme à qui j'ai accordé de l'importance en a profité pour me briser et m'humilier.

— Damian, grince Ambre, les lèvres pincées.

— Oui ?

— Tu étais remonté dans mon estime mais là... Prrrrrrrrahhh ! Collision !

De ses deux mains elle mime un avion qui vole puis vient s'écraser sur mon pare-brise où ses doigts laissent une trace. Je prends sur moi pour ne pas m'empresser de l'essuyer avec le torchon microfibre planqué dans ma boîte à gant.

— Ok. Mais la proposition est sérieuse. Si je peux t'aider à obtenir des rendez-vous sérieux afin de trouver l'élu de ton cœur... Ce sera avec plaisir.

— Non.

— Quoi non ?

— Proposition refusée.

— Simplement en tant que consultant. Je serai discret, insisté-je.

— Non plus.

— Tel l'agent Q. dans l'oreillette de James Bond.

— Toujours pas Kronk. Tu ne seras pas mon agent Q, ou cul, ni cul-cul, peu importe comment tu l'écris.

Aïe.

Ce surnom peu flatteur est la confirmation que je suis renvoyé sur le banc de touche séance tenante.

— Bien dans ce cas j'imagine que nos chemins se séparent ici alors. 50, chemin de Lanusse...

— Fort heureusement ! me coupe-t-elle en esquissant un sourire.

— À bientôt Ambre.

— Prends soin de toi Damian. On aura peut-être l'occasion de se revoir par ci par là.

— Ouais, marmonné-je.

Pourquoi ai-je ce goût amer en bouche qui m'empêche de déverrouiller les portes de l'Audi ?

— Tu comptes me garder prisonnière ? demande-t-elle en tentant d'ouvrir, en vain, sa portière.

— Non. Pardon.

J'ôte la fermeture centralisée et voilà qu'Ambre s'échappe de la voiture de la même façon qu'elle est entrée dans ma vie : sans prévenir, en coup de vent, vêtue de son perfecto noir.

La fille du babyfoot.

Après l'avoir observer s'éloigner en direction de sa résidence un peu vieillotte, je constate qu'elle a oublié son sac au pied du siège.

Une idée me vient alors. Précipitamment, j'inscris mon numéro de téléphone perso sur l'une de mes cartes de visites puis la glisse dans son porte-monnaie, juste derrière sa carte de crédit, et enfin, je sors la rattraper.

— Ambre ! l'interpellé-je en pressant le pas.

Elle a déjà franchi la porte d'entrée qui s'est refermée derrière elle et se retourne, surprise. Ambre me fixe à travers la vitre, un sourire aux lèvres, puis sa voix étouffée par le verre me parvient :

— Je vais finir par croire que tu ne veux plus me quitter.

— T'as oublié ton sac, réponds-je.

— Ah.

Est-ce une lueur furtive de déception que j'entraperçois dans son regard ?

Ambre m'ouvre, récupère ses affaires mais marque un temps d'arrêt avant de repartir.

— Merci pour hier soir, chuchote-t-elle.

— De ?

— De m'avoir écoutée sans jugement.

— Pas de quoi. Merci à toi aussi.

— Pour ?

— M'avoir changé les idées, avoué-je.

— Alors on est quitte ?

— Oui.

— Parfait, conclut-elle.

Elle pince sa lèvre entre ses dents, puis ajoute :

— J'aime bien le Damian by night. Il est gentil.

Sur ce, Ambre fonce vers les escaliers et me plante là, tel un con, le cœur battant étrangement vite.

Stop.

Je me suis promis de ne plus jamais souffrir commeavec elle. Je n'ai été qu'une loque pendant des mois, absent pour mesproches et ne me préoccupant plus que de mes petits patients. Je dois rester dans la lumière du jour, et ne plus jamais emprunter ce long couloir sombre réservé aux cœurs brisés.

Virgin LoveWhere stories live. Discover now