29-Damian

242 44 1
                                    


J'aime mon travail d'urgentiste autant que je le déteste, parfois.

Il y a ces hauts où des miracles se produisent, où des victoires s'arrachent, et puis, il y a ces instants plus rares, comme cette nuit, où le pire se produit.

Et je ne m'y fais pas.

Je ne m'y ferai jamais...

Ces petits patients, aussi fragiles que précieux, sont sous ma responsabilité ; je me dois de les rendre en bonne santé à leurs parents, or, ce soir, j'ai échoué.

Il me faut plusieurs minutes pour démarrer ma voiture et trois fois plus de temps que d'habitude pour arriver chez moi.

Je loupe la sortie du périph' alors que les souvenirs m'assaillent.

Je manque de griller un feu rouge alors que la culpabilité me ronge.

Et si j'avais fait ça.

Et si j'avais tenté ça.

Et si...

Agrippant le volant à m'en faire blanchir les phalanges, j'observe l'immeuble où je vis sans aucune envie d'y pénétrer. La trouille me verrouille au siège. J'ai bien trop peur de me retrouver seul face à moi-même.

Simon, lui, peut comprendre ; il a vécu ça avant d'ouvrir son cabinet de ville.

Tremblant, à 6h30 du mat, je l'appelle.

Pourvu qu'il décroche.

— Damian, on est dimanche... marmonne la voix ensommeillée de Simon à l'autre bout de la ligne.

— Rouge, murmuré-je.

Avec ce code, que nous avons établi, il comprendra l'ampleur de la situation.

Son souffle se coupe puis il expire longuement, s'extirpant de l'état somnolent qui le berçait encore il y a moins d'une minute. Je perçois des bruissements de draps et le tic-tac d'une horloge en fond.

— Ok. Viens. Ne reste pas seul, m'ordonne-t-il.

— Merci. Promis, j'irais te chercher des chocos à l'ouverture de la boulangerie.

— Ouais, par contre... Je suis chez mes parents. J'y ai dormi hier soir, j'avais trop bu et trop mangé pour rentrer chez moi.

— Oh, bah laisse tomber, je ne vais pas me taper l'incruste un dimanche à 7h du mat' chez les Abadie. Tes parents sont cool mais... non.

— Viens, j'ai dit. Tu te souviens où c'est ? insiste-t-il.

— Oui.

— Ma mère sera super contente, elle aime voir sa maison grouiller de monde et... elle t'aime bien. Va savoir pourquoi.

— C'est adorable mais vraiment, je ne veux pas...

— Ambre est là aussi, me coupe-t-il.

Cette information ne devrait rien me faire, pourtant, en prononçant le prénom de sa sœur, Simon entérine ma décision, et il le sait pertinemment. Il l'a même fait exprès.

— Ok j'arrive, lâché-je.

— C'est bien ce qui me semblait.

Cependant, juste avant de raccrocher il ajoute :

— Mais je te préviens, si tu lui brises le cœur, d'une quelconque manière, je te coupe les couilles et les portes en collier à tes funérailles.

Il a beau être sérieux, sa réplique me décroche un sourire. Le premier en quatorze heures.

Je me demande la tête que va faire Ambre en me découvrant au réveil...

Virgin LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant