Pardonne moi, je n'ai pas réussi à décrocher la lune (p1)

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Parcourant les rues sales et désolées du Brodx, un homme courageux progressait calmement. Des cheveux roux bouclés descendaient jusqu'à ses oreilles et ses yeux cyans regardaient le monde qui l'entourait.

Le monde ? En réalité, il n'y avait pas grand chose à voir. Toutes les rues se ressemblaient dans ces quartiers perdus. Les maisons tombaient en ruine, la misère régnait en seule maîtresse. Tout était sale, perdu, désolé, défriché, effrité, troué, rafistolé, pauvre. C'est ainsi qu'étaient les quartiers de l'endroit qu'on avait surnommé le Brodx, l'endroit qui avait en face de lui tous les ports, l'endroit qui abritait les plus grands trafics possibles, l'endroit le plus pauvre de la grande capitale.

Mais en réalité, tout n'était pas vraiment sale et pauvre. Survivaient dans le luxe les Maisons Closes, les casinos et certaines bâtisses, tous rassemblés dans les mêmes quartiers un peu plus épargnés du Brodx.

L'endroit en restait dangereux, cruel, contrôlé par diverses mafias qui s'entretuaient entres elles, mais les bourgeois s'y aventuraient quand même.

Ils visitaient les Maisons Closes, jouaient dans les casinos, dînaient parfois dans les cafés. Il arrivait que des portefeuilles ou tout autre objets de valeur disparaissent, que l'on croise un cadavre, que l'on fasse la rencontre de bagarreurs, de violeurs, mais l'on s'y aventurait quand même, on se risquait à rencontrer l'affreuse population qui y vivait.

Par ailleurs, le jeune homme ne semblait étrangement pas s'en inquiéter. En réalité, il semblait plutôt bien connaître l'endroit.

Pour être tout à fait honnête, il vivait ici, dans les habitations ravagées du Brodx. Il survivait tant bien que mal depuis les années. Il volait, escroquait, tuait. Il avait une sorte de contrat avec l'une des mafias du secteur et leur obéissait plus ou moins tout en agissant de son propre côté.

Ce soir, il était en route pour les quartiers à l'extérieur du Brodx, là où la pourriture qu'ils étaient tous n'allait pour ainsi dire jamais.

Mais quel âge avait-t'il au juste ? Lui même n'en était pas sûr. Dix-sept ? Dix-huit ? Probablement quelque chose comme cela, bien qu'il en avait perdu le compte depuis bien longtemps. Mais après tout, qu'elle importance cela avait-t'il ?

Plus il progressait, plus les habitations et les rues semblaient neuves, propres, entretenues. Il arriva finalement devant la maison qui allait être sa cible ce soir. Se fondant dans l'ombre, il escalada le portail avant de s'atteler à la maison en elle même.

Il grimpait sur tout ce qui lui offrait une prise: des trous, des rebords, des balcons, des gouttières. Il progressait calmement sur cet endroit dit imprenable ou presque.

Imprenable ? Pas pour lui. Le portail et les clôtures dont les extrémités étaient pointues ne lui avaient posé aucun problème, à l'instar du muret parsemés de clous ou encore la façade de cette bâtisse en elle même. Même les patrouilles destinées à surveiller la propriété n'avaient étés que des difficultés mineures.

Il arriva finalement sur un balcon, devant une fenêtre, et il fit glisser le matériel de crochetage, caché dans sa manche, jusque dans sa main. En peu de temps, il entendit un cliquetis familier et put enfin pénétrer à l'intérieur de la demeure.

Il progressait dans l'ombre des couloirs, prenant garde à ne rencontrer personne, attentif à chaque mouvement. Il était silencieux, comme une ombre, un fantôme. Ses pas étaient légers, comme si il volait à moitié. Il finit par ouvrir lentement une porte, derrière ce simple bois se trouvait son butin.

Mais quel ne fut pas sa surprise quand il découvrit une silhouette blonde, tout de noir vêtue, qui tenait dans ses mains le beau collier qu'il comptait voler.

Mais la silhouette n'était pas un habitant de la maison. Ce genre de silhouette était reconnaissable entre milles, une silhouette de voleuse, une silhouette venue tout droit de chez lui.

Le regard cyan du jeune homme croisa celui bleu-violacé de la voleuse. Son cœur manqua un battement et son sang ne fit qu'un tour. Il la faucha, voulant en même temps faire tourner son poignet pour obtenir le collier.

Comme toute bonne ordure du Brodx, elle fit preuve d'une résistance invraisemblable. Malheureusement pour elle, il la dominait en terme de force et elle avait été trop surprise, ayant baissé sa garde.

Après avoir récupéré le bijou, il la lâcha et se mit à courir, ouvrant la fenêtre pour gagner l'extérieur. Il sillonnait les toits dans l'obscurité de la nuit, éclairé simplement par la beauté de la lune.

Mais il n'était toujours pas seul. La jeune voleuse le poursuivait, le forçant à se retrancher au sol en direction des petites ruelles. Ils étaient tous deux agiles, tous deux rapides, tous deux intelligents, tant et si bien qu'ils se coincèrent mutuellement dans une impasse sombre.

Et que faire maintenant ? Le jeune voleur, qui avait rangé le collier dans la sacoche située à sa taille, essaya de coincer la femme dans un coin. Étrangement, elle suivait le mouvement, son regard bleu-violacé soutenant celui du rouquin.

Une fois dos au mur, il mit ses bras des deux côtés de sa tête pour l'empêcher de partir avant qu'il ai pu "régler" ce problème de concurrence.

A présent qu'il était proche d'elle, il pouvait sentir sa douce senteur lavande, odeur inconnue au Brodx. Son cœur manqua à nouveau un battement, sans vraiment qu'il ne sache pourquoi. La blonde souriait, un sourire narquois, fière, jusqu'à déclarer:

« Tu me voles mon butin ? T'es pas capable d'avoir le tiens donc tu prends celui des autres ?

-C'est plutôt toi qui voles ma cible, grogna le rouquin.

-Fallait être plus rapide !! »

Elle avait lâché cette phrase d'un sourire presque enfantin, tirant la langue juste après, avant de retourner son sourire fière et narquois.

« Le fameux voleur Fantôme devancé par une faible petite femme, quelle tristesse !! »

Elle se moquait de lui, les lèvres souriantes, et ce pendant un certain temps. Puis son expression changea légèrement pour être plus douce.

« Mais je te trouves très chouette comme voleur »

Puis elle lui embrassa la joue et profita de quelques secondes d'incompréhension pour se glisser sous son bras et s'en aller.

Le rouquin, quant à lui, était juste surpris et posa une main sur sa joue. Son cœur avait manqué un nouveau battement. D'habitude, c'était lui qui faisait ce genre de choses.

Il mit quelques secondes encore à se rendre compte que le collier avait disparut. Il tourna le regard vers la silhouette blonde qui s'en allait, fredonnant une douce musique. A son doigt, tournait le bijou tant convoité. Quand avait-elle fait ça ? Il n'en savait rien.

Mais au lieu de la rattraper, il resta sur place, son odeur de lavande lui chatouillant encore les narines. Il restait immobile, béat, un sourire un peu idiot plaqué sur le visage et le cœur battant étrangement rapidement.

Lui, Hiro, le voleur Fantôme venait d'être piqué. Cupidon avait tiré sa flèche, il était tombé éperdument amoureux de la plus singulière des jeunes femmes. 

Recueil de nouvellesWhere stories live. Discover now