12 - Une renaissance

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Lorsque l'on imagine la mort, on imagine une fin, la conclusion d'une vie. Je suis forcée de constater que ce n'est pas toujours le cas. La mort peut être également la naissance de quelque chose de nouveau, que ce soit positif ou négatif, la destruction d'un passé pour construire un avenir. Nous avons tous peur de ce mot mais parfois il peut être guérisseur, révélateur.

La mort est une sensation finalement paisible, la douleur disparait complètement et laisse place à un flot d'énergie puissante. J'ai l'impression, durant ce court instant de vide, d'avoir revu et pu parler avec des personnes qui ont disparu beaucoup trop tôt dans ma vie, notamment Sarah...

C'est très flou mais il me semble l'avoir aperçue sur une grande colline baignée de soleil. Je me souviens avoir pu lui demander pardon, pardon pour tout. C'est clairement de ma faute ce qu'il s'est passé et je ne pourrai jamais effacer cela. Elle m'a souri, avec ce sourire éclatant qu'elle a toujours. Dans ce monde-là, cette sorte d'entre-deux, entre le monde des vivants et celui des morts, la douleur ou la haine n'ont pas leur place. Je ne crois pas qu'elle m'ait répondu mais son sourire restera gravé dans ma mémoire. J'ai réussi à lui dire adieu, adieu à ma façon...

Après notre rencontre peu amicale sur les hauteurs du château de Sinestra, Hélios m'a ramenée à la maison perdue dans la forêt afin d'être le plus loin possible de la civilisation. Les heures, puis les jours passent, je reste immobile, les yeux comme scellés, sans manifester aucun signe de vie.

Hélios descend petit à petit dans les abîmes de l'enfer, doucement il comprend m'avoir perdue une fois de plus, ses journées, il les passe à mes côtés à attendre chaque seconde que je daigne me réveiller, mais en vain. Jour après jour il perd pied, devient fou... Cette fois il n'y survivra pas, la douleur est violente, insoutenable. Il passe ses journées à détruire, hurler, chasser sans raison. La bête qui sommeille en lui se réveille doucement, une bête qu'il avait enterrée il y a bien des années.

Il le sait, ce n'est pas normal, j'aurais dû me réveiller.

Ça ne prend pas autant de temps, la transformation se fait rapidement. Et pourtant voilà quatre jours que je reste inerte. Il culpabilise, se dit que c'est sûrement son venin, certainement trop violent, qui m'aura achevée. Il commence à se dire qu'il aurait mieux valu me laisser asservie à Alexeï. Dans ce cas j'aurais au moins été vivante, en quelque sorte. Ce sentiment le ronge, le dévore de l'intérieur. Tout est de sa faute.

L'aube se lève comme chaque jour, Hélios n'est pas présent. Le bruit monte lentement à mes tympans, les odeurs enivrent mes narines puis peu à peu mon cœur bat de plus en plus. J'ouvre les yeux en prenant une grande inspiration, comme la première de ma vie. Elle est à la fois revigorante et douloureuse. Je me redresse, ne comprends pas encore ce qu'il s'est passé. Je me sens étrangement bien, aucune douleur ne traverse mon corps.

J'ai du mal à me souvenir des derniers évènements. Puis mon cœur se soulève, je revois Sarah, inerte. Je me mets à hurler, hurler à pleins poumons de douleur. Mes sanglots sont si forts qu'ils m'étouffent presque. Je me lève et attrape le premier objet qui me passe par la main. Je l'explose contre le mur, je retourne le lit, je dévaste la chambre. Ma colère est si puissante que je ne remarque pas de suite que je suis en train de détruire entièrement la pièce. A cet instant je ne me doute pas de ce que je suis devenue. Je suis tellement happée par cette horrible douleur... Mon cœur s'arrache et emmène mon âme avec lui.

Dans mon fracas, Hélios m'a entendue. Il arrive et m'enlace fermement dans un sanglot. Je ne percute pas pourquoi il semble si soulagé. Je n'ai pas conscience que j'ai été inerte plusieurs jours. Sur l'instant je me dis qu'il compatit à ma douleur, mais je n'arrive pas à le supporter. Inconsciemment je rejette la faute sur lui... lui et son monde qui a couté la vie de ma meilleure amie.

AnastasieWhere stories live. Discover now