15. Découvrir

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J'ai beau tourner sur moi même il n'y a plus aucun signe de son passage, ni même de son existence.

Il s'est tout bonnement évaporé.

Est ce que cela veut dire qu'il s'est échappé ? Est-il libre ? Est ce qu'il va bien ?

Si il a réussi à s'enfuir, il me suffit d'attendre qu'il me réveille, non ? De toute façon, je ne sais pas ce qu'il a dit pour partir, alors...

Je suppose que je vais devoir attendre. Je pourrais essayer de trouver d'autres rêveurs, mais je ne connais plus grand monde ici... Je m'assois sur une souche d'arbre près du sentier. Je n'ai plus qu'à attendre, alors. Peu importe que les matras me trouvent, ou que je reste là ; bientôt, tout cessera.

La lune est ronde, brillante comme une perle. Elle se nargue de mon impuissance ; impitoyable, mais à raison, car je ne peux rien faire. Tout est futile, et comme l'oiseau en cage, j'attends simplement qu'on m'ouvre la porte, sans même savoir si cela arrivera un jour.

Que ferai-je, une fois de retour ? Rien, je suppose. Du moins, rien d'inhabituel. Rien que je n'aurais pas pu faire ici. J'aurais pu rester, en soi. Prétendre que je ne sais rien, me complaire dans l'ignorance d'un vrai monde, ici où tout va encore bien, n'aurait pas été si mal. 

Mais je m'ennuierais vite. Je serais limitée, et je n'aime pas vraiment cette idée. Pourtant, jusqu'à ce rêve, je ne m'amusais pas vraiment non plus. En même temps, il n'y a rien que j'ai réellement envie de faire ; rien qui me fasse avancer, plus rien à attendre !

Avant l'Académie, il y avait le concours. A l'Académie, il y avait mon diplôme. Après l'Académie, il y avait les entretiens. 

Et maintenant ? Personne ne dit jamais ce qu'il faut faire après. Une fois que je sais survivre, comment je vis ?

Ils disent  "fonde une famille, aie des enfants" comme le cours naturel des choses. Je ne doute pas de la joie que cela procure, mais n'y-a-t-il vraiment rien d'autre à attendre de la vie ? A quoi bon continuer, alors...

Alors je ne continue pas. Je m'arrête, et je regarde. 

Un arbre. Deux arbres. Un arbuste, plus loin. Plus rien.

Des cailloux sur le chemin. Un lézard qui serpente entre les rochers. Des papillons de nuit qui s'agitent près d'une lanterne. Plus rien.

Le son lointain d'une diligence qui cahute sur la route. Je me demande d'où elle vient.

Des feuilles se détachent des arbres jaunis et virevoltent doucement jusqu'au sol. Un écureuil, effrayé, court dans l'arbre. Plus rien.

Une grue passe. Un escadron la suit. Je me demande où elles vont.

Une brise caresse l'herbe verdoyante. Les brins s'agitent, et chatouillent mes chevilles. Je les suis du regard. Plus rien.

Un renard glapit. Il me regarde de haut de la butte. Il me défie, ou simplement me surveille. Qu'importe.

La force des étoile se tarit ; leur nombre a diminué, comme les lumières des foyers qui s'éteignent au fur et à mesure que leurs habitants s'endorment. La lune, pourtant, ne fait que briller plus fort. C'est pareil.

Le renard toujours immobile, me fixe encore. Il m'agace ; on dirait une statue. Il s'enfuira éventuellement.

Et les feuilles ont beau tomber, les branches s'entrechoquer, les bourrasques le frapper, il ne bouge pas. Il me regarde. Continue, passe ton chemin petit animal. Je ne bouge pas ; il y a des choses plus intéressantes que moi au-delà.

Il n'en fait rien. Alors je me lève, et comme un miroir inversé, il se recroqueville, prêt à partir.

J'avance et lui recule, je veux le voir et lui me fuit. Il ne tient plus ; s'enfuit dans les sous-bois.

J'ai envie le suivre. Pourquoi faire ? Je sais qu'il est allé se cacher dans un terrier. 

Mais je vois d'autre choses ; au loin, sur une ligne fine d'horizon, il y a les premières dunes de l'immense désert ; et j'ai aussi envie d'y aller, pourtant je sais ce qui s'y cache, de l'autre côté des hauteurs rocheuses où rien ne pousse ; pourtant j'ai envie de m'y rendre ; et là-bas, une large étendue bleue, qui m'appelle à l'explorer. L'aube est là ; je veux m'y rendre, courir jusqu'au soleil levant ; peu important ce qui s'y trouve, que je le sache ou non, mais je veux le voir, voir là-bas de l'autre côté de l'horizon, les arbres et les arbustes, les lanternes et les cailloux, les grues et les renards, et découvrir le monde là-bas.

Comme les papillons de nuit, je suis attirée par la lumière, et mes jambes se mettent en marche sans trop savoir pourquoi, sans trop savoir où, ni comment. A vrai dire, je ne me pose pas ces questions cette fois. Elles me fatiguent.

J'avance, je continue. Pourquoi ? Eh bien comment pourrais je le savoir ? Je ne suis pas devin. Peut-être qu'il n'y a rien au bout du chemin. Peut-être qu'il y a tout. Peut-être la mort. Mais je ne le saurai pas à moins d'y aller.

Et comme chaque fois que je prends mon élan, le monde m'arrête ; le sol s'efface sous mes pieds, et je tombe, dans le vide absolu. 

Tout s'efface autour de moi, le haut comme le bas, et ma conscience s'échappe. Rien n'est jamais si facile qu'il n'y paraît, n'est-ce pas ?

𝐸𝓃𝓉𝓇𝑒 𝓇ê𝓋𝑒 𝑒𝓉 𝓇é𝒶𝓁𝒾𝓉é [[Fanfic Alhaitham x Reader]]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant