Numéro 666

Chapitre 7 - Trahison

Ayant très peu dormi, travailler le lendemain fut chiant. Heureusement, j'avais mon dimanche.

A la fin de la journée, je montais dans ma voiture et partis en direction de la maison.

Putain, j'avais manqué d'attention toute la journée ! Le visage endormi et innocent de Stewart n'avait cessé de me torturer l'esprit. J'avais eu beau l'y en chasser, il n'avait eu de cesse d'y revenir.

Je lui avais laissé la vie sauve, pour le moment, j'ignorais ce qui me poussait à avoir tant de scrupules...je n'étais pas du genre à en avoir dès lors qu'il s'agissait de notre sécurité.

Ouais, enfin, d'habitude en tout cas.

J'arrivais dans ma rue, je coupais le contact en me garant. Je regagnai la maison.

Je n'avais rien dit à ma famille, je ne tenais pas à les effrayer tant que je n'en saurais pas plus.

_ Je suis rentrée, criais-je.

J'étais seule dans le salon, June jouait sur son ordinateur dans sa chambre, Mike était en train de préparer la cave et Titouan lisait dans le jardin.

J'allai me servir un café.

Dooooormiiiiiiir...

Mais je devais tenir encore un peu avant de m'écrouler.

_ Salut, dit Titouan en entrant.

Il approcha et s'arrêta en me fixant.

_ Tu as une tête vénère.

_ J'ai mal dormi.

_ Ah...tu veux une tisane pour ce soir ?

_ Non merci...à mon avis, je vais bien dormir.

_Vu ta tête, j'espère que tu feras la grasse matinée.

J'acquiesce. Et sirote ma boisson. Brûlant à souhait.

Plus tard, après le dîner, j'étais allongée dans mon lit. Mes prédictions s'avèrent fausses. Je ne trouvais pas le sommeil. Tant de questions restaient en suspens. Le visage si innocent de Stewart m'empêchait de garder les yeux fermés.

J'étais fatiguée pourtant mais je ne pouvais pas sombrer dans l'oubli, pas tant que je ne saurai qui il était.

Je me redressai en soupirant. J'entendais les grognements de Mike depuis la cave. Sa transformation était longue et douloureuse.

Je sortis mes ailes et passais par ma large fenêtre, je m'envolais en direction de l'appartement de Stewart.

En arrivant, je me posais sur le toit et tendis l'oreille.

Il était réveillé, du jazz résonnait à bas volume et il bouquinait.

Je m'asseyais sur le bord et l'écoutais respirer. Mon corps se détendit lentement.

Mon portable se mit à vibrer dans ma poche, je sursautais et émergeais en un instant.

Merde, je m'étais endormie.

Je décrochais à l'appel de June.

_ Sam, où es tu ? Il va nous tuer ! hurla t elle

J'ai su tout de suite. Je m'envole et accélère à mon maximum.

Je me presse, le cœur battant. Mon sang pulse d'adrénaline dans mes veines.

Grâce à ma vue, je vois June et Titouan se réfugier dans la voiture de ce dernier. Je fonce vers le sol. La porte d'entrée explose et un immense ours charge sur la voiture. J'accélère et lui colle un coup de pied en pleine tête. Ses pattes quittent le sol et il chute sur les fesses un peu plus loin.

Je me place entre Mike et nos amis terrifiés. Une vapeur d'un noir sombre s'agite autour de moi, ma peau se mouve en soubresauts.

Vite, je fais face à l'animal avec ma forme véritable. Une vision de cauchemar pour tous.

Mike gronde. J'étends mes ailes en feulant.

Je dois l'obliger à retourner dans la cave. Et je l'obligerai a dormir.

Mike hésite. Même s'il n'a aucune conscience de son humanité, il reste un ours plus intelligent que la moyenne. Finalement, il décide de ne pas m'affronter.

Il tente de s'échapper par la droite, je le bloque et lentement mais sûrement, je le force à regagner la maison. Je le guide en grondant jusqu'à la cave. La porte a été fracassée, je descends l'escalier, Mike loupe une marche et griffe le mur pour se retenir. Génial !

Il arrive à sa cage, je referme la porte sur lui et lui envoie des ondes intenses. Il s'écroule et se met à ronfler.

Je soupire. Je retourne à l'étage, mute et vais chercher nos amis. Ils descendent de voiture en me voyant arriver...encore à poil.

_ Où étais tu ? cria June furieuse. Tu nous as laissé seuls avec lui !

_ Je suis désolée, dis-je.

_ Tu sais, très bien que nous sommes en danger quand il est comme ça !

_ June, je suis désolée.

_ Où étais-tu ?

_ Je me suis endormie sur le toit d'un immeuble.

_ Je croyais que tu dormais dans ton lit !

_ J'avais besoin de me dégourdir les ailes.

J'aurai pu avouer la vérité mais je n'en avais pas l'envie...

_ Il aurait pu nous tuer ! Et toi tu es allée te dégourdir les ailes ! N'importe quoi !

_ Je suis arrivée à temps, c'est tout ce qui compte, non ?

_ Non ! Tu nous as lâchement abandonné au danger!

_ June, je n'arrête pas de m'excuser. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus.

Sans m'y attendre, un hurlement intense s'échappe de sa bouche. Je tombe a la renverse, sourde et les oreilles ensanglantées. Je suis sonnée. Ma vue se trouble de points lumineux. J'ai envie de vomir.

Je ferme les yeux et respire lentement. Fichue sirène !

J'attends que mon corps reprenne contenance.

Lorsque ça arrive, je m'aperçois que je suis toujours allongée dans l'allée, mon ouïe n'est pas encore revenue et je suis déçue...triste car ils m'ont laissé tous les deux ici. Personne ne m'a transporté jusqu'au lit, on a tous déjà expérimenté au moins les hurlements de June. Bien que sa colère fut justifiée, j'ai du mal à réaliser, a croire qu'elle a osé m'attaquer. Son hurlement est capable de tuer. Bon je n'étais pas humaine et elle n'avait pas tout donné non plus. Elle voulait juste que j'ai mal.

Sa réaction est totalement disproportionnée.

Je soupire.

Je me relève, mes jambes tremblent et me dirige tant bien que mal jusqu'à la salle de bain. Je m'observe dans le miroir, du sang a coulé dans mon cou. Je me nettoie. J'ai les oreilles très sensibles, chaque toucher est un calvaire.

Une fois propre, je vais me coucher et je m'endors en quelques minutes.

A mon réveil, mon ouïe est revenue mais j'ai un petit mal de crâne. J'ai la dalle car me soigner a pris beaucoup d'énergie, je me lève, encore légèrement chancelante. Tout le monde dort encore. Il est à peine neuf heures.

Je vais me servir un café et manger cinq brioches.

Le soleil brille dans le ciel. Je suis de mauvais poil, car maintenant que le choc est passé, je suis furieuse.

Furieuse contre Titouan parce qu'il n'a même pas daigné me soigner. Furieuse contre June pour son attaque injustifiée.

Je décide d'aller courir deux bonnes heures, histoire de me détendre. Je me prépare, mets mon casque sur mes oreilles et pars sans m'échauffer.

Alors que je foule le trottoir en pleine ville, je finis par me rendre compte où me conduisent mes pas. Vers chez Stewart.

Pourquoi ?

Je l'ignore...