J'avais l'impression que tous les morceaux étaient reconstitués. Le vide de la disparition de Mora était enfin comblé. Tout reprenait son cours. Tout allait mieux. Enfin. Après cette tendresse, nous entrâmes. Comme avant, ma sœur et moi nous installâmes sur le sol auprès de la cheminée éteinte. Ce n'était pas la même maison que durant notre enfance, mais ils avaient tenu à ravoir une cheminée dans celle-ci aussi. Notre père, assis sur un grand fauteuil vert, séchait ses larmes d'une main, ému.
« Ma fille chérie... mes deux filles chéries... comme c'est bon de vous avoir toutes les deux près de moi... Raconte-moi ce qu'il s'est passé, Mora... raconte-moi tout... »
Elle lui conta ce que j'avais découvert ces dernières semaines. Il écouta attentivement, et maugréa quelques injures dans sa barbe à l'encontre de Logan. Notre mère avait entretemps terminé de cuire ses pâtisseries au chocolat et les avait apportées. Mora plissa les yeux de bonheur :
« C'est aussi bon qu'avant ! »
Notre mère sourit et s'installa à nos côtés pour caresser nos têtes. J'avais l'impression qu'elle n'arrivait pas à croire que nous étions à nouveau tous réunis. Quand nous étions nées, notre père était déjà capitaine depuis des années et des années. Notre mère nous avait laissé naviguer avec notre paternel aux alentours de nos dix ans, bien malgré elle, quelques semaines par-ci, quelques semaines par-là. Il lui avait assuré qu'il n'y aurait aucun abordage quand nous étions à bord... il lui avait en partie menti, même s'il nous enfermait dans sa cabine à ces moments-là. C'était notre secret à tous les trois, il disait. Une promesse faite avec le petit doigt.
Je me souvenais que je m'ennuyais beaucoup quand j'étais sur terre. J'aimais la mer, et j'y passais tout mon temps, mais je finissais par ressentir un manque. Naviguer était unique. Alors, j'attendais patiemment que notre père nous emmène à nouveau avec lui sur son bateau pour retrouver les sensations de liberté que j'aimais tant.
« Les hommes sont vilains, mes filles, soupira notre père.
— J'ai vu ça... acquiesça Mora.
— Et toi, Neven ? Toujours seule ? Personne n'a pillé ton cœur ? »
Je me renfrognai. Un pirate avait bien volé mon cœur... seulement, ce pirate n'était plus.
« Bref ! lança Mora. J'ai envie de voir notre nouvelle chambre ! On y va, Neven ? »
J'acquiesçai vivement en me relevant avec elle.
« On revient ! lança-t-elle en souriant, puis en m'entraînant dans le couloir. »
Derrière les regards de nos parents qui avaient froncé les sourcils, je poussai un soupir :
« Merci, tu m'as sauvé la mise...
— Je sais bien que ce sujet est encore trop sensible pour toi... allez, viens ! »
Je laissais un sourire m'échapper face à sa mine joyeuse tandis qu'elle ouvrait la porte de notre chambre. Même si nous avions déménagé, j'avais tenu à la garder à peu près comme avant. Toujours les mêmes tapisseries crème. Les mêmes meubles bruns : notre lit, un grand placard, un grand bureau, deux tables de nuit, deux chaises. Mora se rua vers un petit coffre en bois posé sous la fenêtre. Elle l'ouvrit du bout des doigts, comme si elle craignait qu'il ne tombe en morceaux sous ses mains. Ses yeux s'illuminèrent :
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Neven l'Écarlate : Tome 2 - Houle
Adventure/!\ Le résumé contient du spoil de la partie I /!\ Après une bourrasque, la houle se lève et les courants se déchaînent. Bon sang ! Voilà ce que se répète Neven l'Écarlate. Jusque-là, elle avait plutôt le vent en poupe. Elle a débusqué des inform...