Giardino Segreto ( Partie 1)

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    Inconfortable !

    En fait non. Ce mot ne suffit pas pour décrire l'état émotionnel de Ruben. À nouveau assis au fond de la salle, ce dernier ne cesse de fixer les ondulations de sa tasse de chocolat, pendant qu'il tapote tout doucement la table. Il occupe ses pensées tant bien que mal, tandis que Matt ne le quitte pas des yeux. Bien qu'ils aient déjà échangés par messages plusieurs fois, ni l'un, ni l'autre n'est enclin à briser le silence latent qui commence à devenir très pesant.

     Le barista revient avec un Gran Espresso pour l'étranger. Après avoir ingurgité le liquide brûlant, enfin il trouve ses mots pour entamer la conversation.

      — Je peux vous parler en français ? Mon niveau d'Italien est bon, mais j'ai plus de facilité avec la langue de Molière.

      — Bien entendu, allez-y.

     Ruben se demande combien de langues parle-t-il. Ça fait déjà trois langues au total, depuis qu'il s'est adressé à lui sur les réseaux sociaux.

      — Je ne me présente plus. Je sais que j'ai dû vous causer du soucis depuis quelques temps et je m'en excuse. J'ai été... Comment dire... Saoulant ? C'est sûrement le mot. J'étais surexcité à l'idée d'avoir enfin à faire à une personne qui pouvait me mener à Monsieur Chastain, je n'ai pas su me contrôler.

     — Euh...ouais...

     Chastain ne quitte pas ses lèvres des yeux, c'est difficile de se concentrer sur ce qu'il dit. Elles ont l'air incroyablement douces. Quel âge a-t-il ?

     — Désolé de vous couper, mais j'ai une question. Si votre père et mon grand-père sont de la même génération, ça veut dire que vous devriez être dans la trentaine ou quarantaine. J'avoue que je ne m'attendais pas à...

     Pointe-t-il la jeunesse manifeste de son interlocuteur sans se demander si cela est indiscret ou pas. Matt prend la question avec amusement, il n'est pas surpris du tout.

     — Vous êtes toujours aussi direct. Vous m'aviez déjà semblé très dégourdi au téléphone, je vois que ce n'est pas une façade.

     — Et même votre façon de parler est...

     — Trop soigné ? Je m'en excuse encore. Pourtant je fais beaucoup d'effort pour rester aussi modéré que possible. C'est difficile de se sortir des vieilles habitudes, mais si on parlait en Anglais, vous verriez bien que mon discours n'est pas si étoffé que ça. Pour répondre à votre interrogation, j'ai vingt-cinq ans.

     — Ah, je vois.

     — Je suis le cadet de trois enfants, je suis né du second mariage de mon père.

     — Hein ? Votre père est marié ?

     Ruben fronce des sourcils, machinalement. Si cet homme est marié, que veut-il à son grand-père ?

     — Ne vous méprenez pas, sourit Matt. Il l'était, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

     L'adolescent soupire, soulagé. Pourtant il ne devrait pas. Il se reprend très vite et décide que c'est à lui de poser des questions ici. Tout ceci mérite beaucoup d'explications.

      — Ne tournons pas autour du pot. Je suis très curieux ces derniers temps et c'est absolument de votre faute, alors éclairez-moi. Comment nous avez-vous trouvé ? Pourquoi demandez-vous après Papy ? Qu'est-ce que votre père lui a fait ? Et surtout, pourquoi vous êtes venus jusqu'ici pour parler avec moi ? Je veux des réponses !

     Matt expire en glissant la pulpe de son index sur le bord de sa tasse, faisant des cercles plusieurs fois. Son interlocuteur lui pose de très bonnes questions. Il arrête et finit par porter sa tasse à ses lèvres, le tout dans le silence absolu. Ruben est scotché à ses lippes, impatient d'en savoir plus. Ce Matthew commence à l'agacer un peu, il est difficile à cerner.

Adieu, souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant