Confronto

55 11 9
                                    

     Matt verrouille sa portière et remarque la présence de deux véhicules. Il ne savait pas que les Chastain recevaient de la visite. Après une brève hésitation, il décide de pénétrer dans la maison.

     — Je suis de retour !

     La maison semble bien silencieuse. D'habitude il aurait été accueilli par la voix espiègle de Ruben ou celle chaleureuse de Monsieur Chastain. Il y a toujours quelqu'un peu importe l'heure de la journée.

     — Dans la cuisine !

     Cette fois il se fige dans le couloir. Monsieur Chastain semble en colère. Pourquoi ce ton hardie ? Il finit par continuer son ascension jusqu'à l'entrée de la cuisine, où une drôle de scène s'étale sous ses yeux confus.

     Ruben est là, mais il est assis sur une chaise devant la table. Il lève lentement ses yeux vers lui, la peur se mêlant à la douceur de son regard. Matt se tend. Mais le détail qui accroche surtout son attention, c'est la béquille exposée sur la table, aux yeux de tous. Ruben baisse la tête en se mordillant la lèvre. 

     Ne me dites pas que...

     Un mouvement dans la pièce le fait sursauter. Monsieur Chastain, qui était debout face à la fenêtre depuis son arrivée, se retourne lentement dans sa direction, ses mains toujours croisées dans le dos. L'atmosphère est saturée d'une tension intense, si forte que même Matt ne peut rester indifférent au malaise qui le gagne. Il constate aussi la présence de Monsieur Vancini ? Fantini ? Il a oublié son prénom, et aussi une femme âgée qui a l'air complètement abattu dans le coin. Cet homme lui frictionne l'épaule comme s'il la consolait. La scène est définitivement étrange, même pour lui.

     Matt lâche enfin la respiration qu'il avait retenu depuis le début. Son pragmatisme prend la mesure de la situation. Il reste rivé à la béquille qui le nargue. Ainsi d'un pas assuré, mais surtout défaitiste, il pénètre dans la pièce et pose le paquet qu'il avait rapporté pour Ruben. Le bruit du plastique est plus assourdissant qu'une nuée d'éclair lors d'une nuit d'orage. Le silence est bien lourd.

     — Laisse-moi deviner, dit-il en fixant Ruben, tu as oublié, c'est ça.

     Ses mots, qui rebondissent sur le mur après un impact fulgurant, fendent l'air saturé tel un couperet affûté. Ruben lève à nouveau les yeux vers lui, cela suffit à lui répondre.

     — Ravi de constater que je n'ai plus à poser la question quant-à ta connaissance de sa condition, commence Fabrice d'un ton amer et froid. Tu as l'air plus au courant que quiconque dans cette pièce.

     L'américain expire et se gratte l'arcade sourcilière. On dirait que la confrontation qu'il attendait se fera plus vite que prévu.

     — Monsieur Chastain...

     — Matthew ! le coupe-t-il sans préambule. Tu as juste trois minutes pour m'expliquer ce qui se passe. J'ai dit trois minutes et pas une de plus.

      — Papy, je t'ai tout expliqué ! Matt n'a rien à voir avec tout ça ! interrompt Ruben avec désespoir. Écoute Matt, je lui ai tout dit par rapport à mon envie de rester en Italie à cause de ma rupture, il sait que tu n'as rien à voir là-dedans et que c'est moi qui t'es forcé à ne rien dire !

      Hum ?

      Qu'est-ce que c'est encore cette histoire ? Il lui a encore raconté un mensonge ? Pourquoi ?

      Pourquoi fait-il cela alors qu'il ne me doit rien ?

      — Ruben, tais-toi ! Je ne t'ai pas donné la parole ! Tu en as déjà assez fait pour aujourd'hui ! Je t'ai fait confiance et tu as décidé de piétiner tous mes efforts d'éducation à la poubelle ! Je ne veux plus rien entendre venant de toi jusqu'à nouvel ordre !

Adieu, souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant