1.1 | NÉGOCIATION

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Je dépose un bouquet de tournesol sur la tombe devant moi.

— Bonjour, Miguel, je murmure. Comment ça va ? Aujourd'hui... ça fait cinq ans pile. C'est... j'ai l'impression que c'était hier. J'en cauchemarde encore, tu sais ?

Je joins mes mains, gênée. Je ne sais plus vraiment pourquoi je lui parle. Il est mort, et je ne le sais que trop bien.

— Je... Je reviendrais la semaine prochaine, je promets avant de m'éloigner.

Mes talons claquent funestement contre les pavés qui composent l'allée du cimetière. Ma longue jupe noire virevolte au gré du vent et ma chemise blanche, dont les premiers boutons sont audacieusement ouverts, me gratte désagréablement le bas du dos à chaque mouvement.

Juste avant passer la sortie du cimetière, je m'arrête pour redresser mes épaules et inspirer profondément. Je ne suis plus Ipasia, la jeune femme éplorée, mais Ipasia, la peintre à succès au sourire rayonnant et à la joie contagieuse.

Je dois tenir mon rôle. Une bourrasque froide agite mes cheveux bruns, bienvenue sous le soleil de plomb de l'été. Je réhausse mes lunettes pour mieux protéger mes yeux bleus et sensible de la forte luminosité, avant de marcher à grand pas vers mon rendez-vous.

Mon avenir va se jouer dans moins d'une heure.

Je n'ai pas le droit à l'erreur.


Je pousse les portes de la Galerie d'Art Louise Bourgeois et profite d'une vague d'air climatisé qui me change agréablement de la chaleur étouffante sous laquelle je viens de passer presque une heure à marcher. Ainsi, je ne pollue pas en usant d'une voiture et je prends soin de moi en pratiquant une activité physique. D'une pierre deux coups. D'un pas sûr, je me dirige vers l'espace administratif. L'entrée vers la partie privée de la galerie est surveillée par un garde, qui m'interpelle :

— Mademoiselle, cette partie n'est pas autorisée au public. Je vous prie de faire demi-tour. Pourquoi ne pas vous rendre dans la salle bleue ? (Il m'indique la direction d'un geste.) Vous y trouverez de magnifiques peintures, dont une peinte par la fameuse Ipasia Hélianthus.

Je m'empêche de tressaillir en entendant mon nom dans la bouche d'un inconnu. J'ignore si je m'habituerais un jour à ma renommée dans le domaine de l'Art.

— Je vous remercie pour vos conseils, je souris en masquant mes pensées. Cependant, j'ai un rendez-vous ici dans quelques minutes. J'ai envoyé un message en arrivant et on devrait bientôt...

La porte derrière mon interlocuteur s'ouvre et la secrétaire du gérant sort.

— ... venir m'accueillir, je termine.

— Bonjour, Mademoiselle Hélianthus. (Elle me tend sa main et je la serre, sourire aux lèvres.) Je suis ravie de vous accueillir ici.

— Tout l'honneur est pour moi, j'affirme.

— Si vous voulez bien me suivre.

Je passe devant le garde, que je salue d'un « Bonne fin de journée » poli, et pénètre dans l'espace administratif.

TournesolOù les histoires vivent. Découvrez maintenant