1.2 | NÉGOCIATION

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La première chose qui me frappe, c'est la beauté et le goût des lieux. Le long couloir face à moi est blanc, et des miroirs judicieusement disposés reflètent le soleil. La pièce, malgré la petite taille des fenêtres, est lumineuse et agréable. Des lignes noires, irrégulières, aux traits grossiers mais ô combien fascinants, décorent les murs avec simplicité tant en atténuant l'agressivité du blanc. Contre le mur, un unique canapé gris est surplombé de lettres de fer élégamment calligraphiées indiquant : « Galerie d'Art Louise Bourgeois ».

La secrétaire m'indique une porte en ajoutant :

— Monsieur le directeur vous attend. Je vous souhaite une bonne fin de journée.

Je répète la formule de politesse en toquant doucement à la porte de bois clair. Une voix légèrement étouffée me répond « Entrez ! ». J'obéis et découvre aussitôt, face à moi, une magnifique sculpture que je reconnais aussitôt comme étant une réplique de l'Arch of Hysteria de la sculptrice Louise Bourgeois.

— Vous appréciez ? demande le directeur de la galerie en se levant de son bureau et en s'approchant.

— Énormément. C'est... il n'y a pas de mots pour décrire une telle beauté.

— C'est une réplique, bien sûr, déclare l'homme. L'original se trouve au Centre Pompidou, ici, à Paris. Mais cela n'empêche pas d'apprécier l'œuvre.

La sculpture, suspendue par un fin fil noir, représente le corps d'un homme arc-bouté, dont les mains touchent presque les pieds. Ses côtes sont saillantes et sa tête est absente. Mais ce qui m'ébahit le plus, c'est l'impression de chute et de lévitation mélangées qui se dégage de l'œuvre.

— Parlons affaires, voulez-vous ? demande le directeur de la galerie.

— Assurément. Je suis venue ici pour cela, après tout, je réponds en me détournant de l'œuvre d'art.

Je m'installe sur une chaise tandis que l'homme prend place derrière son bureau, sur lequel est inscrit son nom. Ashlan de Sélène.

— Madame Hélianthus, notre galerie aimerait signer un contrat avec vous. Notre juriste a réalisé un premier exemplaire, que voici, et j'aimerais votre avis quant à ses termes.

Je lis le papier qu'il me tend. La paie n'est pas mal du tout, et les exigences, bien qu'élevées, sont raisonnables. Cependant, il manque un point essentiel pour moi.

— Tout est excellant, monsieur de Sélène, je déclare en reposant le contrat sur le bureau. Il y a tout de même une clause que je souhaiterais ajouter : une prime à la signature.

Fronçant légèrement les sourcils, il réfléchit quelques instants avant de me répondre.

— Je n'y vois pas de problème. Combien voulez-vous ?

— 40 000€.

— C'est beaucoup, sourit M. de Sélène. 30 000.

— 39 000.

— 33 000. Une belle somme, non ?

— 37 000. C'est ma dernière offre, je rétorque.

— Et pourquoi pas 34 000 ?

— Voyons, les commissions sur les ventes de mes tableaux compenseront rapidement l'écart. 37 000, ou rien.

C'est la somme qu'il me manque pour payer intégralement ma maison. J'ai besoin de cet argent.

— Marché conclu ? j'insite.

— Vous êtes dure en affaire, rit doucement le directeur de la galerie. J'accepte.

Je manque de défaillir de soulagement.

— Revenez demain à la même heure pour signer le contrat, ordonne-t-il.

— Je ne suis pas disponible à ce moment-là. Une heure plus tard, qu'en dites-vous ?

Il soupire avant d'accepter et de me congédier.

TournesolWhere stories live. Discover now