Chapitre 1

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Tandis que nous perdons de l'altitude, j'admire le paysage splendide qui se révèle à travers le hublot. Un sourire se dessine sur mes lèvres au rythme de la descente. J'en oublie que la place à côté de moi est libre. Libre par choix. J'ai laissé derrière moi son propriétaire, bien décidée à le chasser de mes pensées pour profiter pleinement de l'aventure qui m'attend.

Le relief de cette île volcanique m'hypnotise. Il est hors de question que ma rupture récente réduise à néant mon voyage, depuis le temps que je rêve de fouler les terres d'Islande. Mon sac à dos, ma valise cabine et moi, sommes résolus à découvrir les merveilles que recèle ce pays.

L'avion percute le sol de la piste, me projetant contre le dossier du siège, puis se stationne sur le tarmac, sous les applaudissements des passagers. La foule pressée se lève, quand bien même les portes sont toujours fermées. Cette impatience me fait doucement rire.

Je traîne mon bagage derrière moi pendant que je progresse dans ce sobre aéroport de la capitale. Je repère sans mal mon loueur de voitures qui m'attend malgré l'heure avancée de la nuit. Rares sont ceux qui nous cueillent à deux heures du matin pour nous conduire à leur parc automobile à quelques kilomètres. Il m'accueille dans un anglais parfaitement maîtrisé auquel je réponds avec maladresse.

À bord de son pickup, je regarde l'horizon, essayant de distinguer le paysage à travers ma fenêtre. Et dire que demain, j'aurai le privilège d'admirer le décor naturel qui m'entoure.

C'est avec un sourire béat aux lèvres que j'arrive au guichet. Je tends ma réservation, que j'ai pris soin d'imprimer pour éviter d'avoir à utiliser mon anglais approximatif.

Mon interlocuteur vérifie ma pièce d'identité puis tapote sur son clavier. Au bout de plusieurs minutes interminables, il perd de sa couleur et s'agite sur sa chaise. Sourcils froncés, je sens que l'atmosphère s'alourdit.

— Il y a un problème avec votre location, m'indique, dans la langue universelle, l'homme qui me fait face.

— Comment ça ? m'indigné-je en essayant de me faire comprendre.

— Le véhicule que vous avez loué n'est plus disponible.

— Plus disponible ? Mais, c'est quoi ça à votre avis ? Une confirmation de réservation !

Un air ennuyé se peint sur son visage, il se fait petit.

— Le véhicule a été accidenté hier et il n'est plus en état de rouler. Je suis désolé pour la gêne occasionnée.

— Ce n'est pas mon problème, trouvez-moi un autre véhicule, ordonné-je.

Il m'invite du bout des lèvres à patienter, tandis que je bouillonne. Je ne suis pas arrivée jusqu'ici en pleine nuit pour m'entendre dire que ma réservation ne tient plus. Je tourne en rond dans le hall pour calmer la rage qui m'envahit progressivement. Ma lèvre inférieure souffre sous l'emprise de mes dents pour ne pas exploser plus que de raison. Un goût métallique se répand dans ma bouche au même rythme que le doute s'insinue dans mon esprit. Et si je me retrouvais sans voiture ? Mon voyage tomberait à l'eau. Mes phalanges blanchissent, mais je me reprends quand le vendeur m'interpelle à nouveau.

— Madame ?

— Oui ?

— Nous n'avons plus de véhicule, je suis navré. Un grand groupe est parti avec la quasi-totalité de notre parc et le seul restant est sur le point de quitter le parking pour trois semaines.

— C'est une blague ?

— Malheureusement non.

Je n'en crois pas mes oreilles. Elles bourdonnent, rejetant la situation avec virulence. Mes poings se serrent de nouveau. Je ne laisserai personne gâcher mon voyage. Je prendrai cette dernière bagnole coûte que coûte.

D'un pas déterminé, je fonce vers l'extérieur à la recherche du loueur et du client concerné. Je dois discuter avec lui pour le convaincre de me céder le véhicule. Il a trois semaines, il peut bien rester cinq jours dans la capitale. Moi je n'ai que cinq pauvres jours ici, il peut comprendre mon besoin urgent d'avoir une voiture dès ce soir. Enfin, dès cette nuit.

La fatigue gagne mes traits et accentue mon état de stress. J'essuie mes mains moites alors que ma tête scanne les alentours et repère deux hommes qui font le tour du seul 4x4 avec tente sur le toit.

Le visage relevé, mais la voix peu assurée, je les interromps.

— Excusez-moi, commencé-je en anglais.

Le loueur m'accorde son attention tandis que l'individu au sac à dos plus gros que lui me jette un rapide regard avant de continuer son inspection.

— Excusez-moi, tenté-je de nouveau en touchant furtivement le grand brun.

Cette fois, ses yeux accrochent les miens avec incompréhension.

— Il ne vous répondra pas madame. Il est muet, me prévient le professionnel.

Merde, c'est bien ma veine, mais cet imprévu supplémentaire ne doit pas entrer en ligne de compte, je dois repartir au volant de ce Duster.

— Il me comprend au moins ? questionné-je le loueur.

L'expression mécontente du jeune homme me répond. Ma subtilité légendaire attire déjà les foudres de celui que je dois réussir à amadouer et je suis décidément très mal engagée.

J'espère intérieurement que la luminosité ambiante camoufle la teinte rougeâtre que prennent mes joues. Je baisse le regard pour chercher comment regagner l'assurance nécessaire pour aborder le sujet épineux.

— Il y a eu un souci dans les locations. Je me retrouve sans véhicule alors que j'avais réservé celui avec lequel vous êtes sur le point de partir.

Mon interlocuteur me scrute impassible, les bras croisés sur le buste, attendant la suite de mon explication. De sa hauteur, je me sens minuscule. Son torse imposant m'impressionne et je redouble de volonté pour aller au bout de ma démarche.

Je m'agite d'un pied sur l'autre, triturant mes mains.

Allez, tu peux le faire.

— J'ai vraiment besoin de cette voiture. Je ne reste que quelques jours ici, je ne peux pas gaspiller le peu de temps que j'ai. Alors je me disais que...

Son regard s'assombrit tandis que son visage fermé m'en fait perdre mes mots. Je détourne les yeux une nouvelle fois, tournant la langue entre mes dents pour formuler correctement ma demande.

D'un geste du menton, il m'invite à poursuivre.

— Je me disais que vous pourriez peut-être attendre qu'une autre location revienne ?

Un ricanement sort de ses lèvres, déclenchant de la chair de poule sur mon épiderme. Je me risque à lui faire face, relevant la tête. Ses fossettes se creusent dans ses joues encadrées par une mâchoire carrée, rasée de prêt. Sa bouche s'étire avec grâce et happe mes iris qui s'attardent un peu trop sur ses mouvements. Dans son regard luit une hilarité qui se reflète également dans ses traits. Sa colère s'est envolée, remplacée par l'absurdité de la situation.

Je me balance d'avant en arrière en attendant une réponse de sa part. Du moins, patientant pour avoir un autre retour que de la moquerie à mon égard.

— Madame, vous ne pouvez pas demander une chose pareille, intervient le professionnel.

— Oh vous, je ne vous ai pas sonné. Vous ne m'avez proposé aucune solution concernant ma réservation. La bourde vient de vous, alors s'il vous plaît, avec toute la politesse dont je fais preuve, je vous somme de la fermer.

Iceland dreamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant