Chapitre 2

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Les yeux du jeune brun naviguent entre le loueur qui a pris une couleur cramoisie et moi, à la recherche d'une explication pour une telle situation.

— Ne me demandez pas comment c'est possible, tenez, regardez par vous-même, j'ai bien réservé un véhicule pour ces dates, mais ils n'en ont aucun à me donner. Un accident paraît-il ! réponds-je à sa question silencieuse en lui fourrant mon papier entre les mains.

Le contact de mes doigts sur ses phalanges déclenche un picotement qui me parcourt jusque dans la colonne vertébrale. C'est la première fois que mon corps a une telle réaction. C'est intrigant, voire même perturbant, mais c'est à la fois plaisant. Que m'arrive-t-il ? L'a-t-il ressentie, lui aussi, cette électricité ?

Ses pupilles me sondent avant de se poser sur le document. Il déchiffre l'écriture tapuscrite avec intensité. Le pouce sur un côté du menton, il gratte de ses autres doigts le bas de sa joue. Le bruit de ses ongles sur la repousse quasi inexistante de sa barbe parvient à mes oreilles tandis que sa langue claque de son palet. Perdu dans sa propre réflexion, je n'ose plus bouger de peur de le perturber. Alors, j'observe à la dérobée la beauté qu'incarne l'homme devant moi.

Après de longues minutes d'analyse, le loueur gesticule avant de tendre le trousseau devant le nez de son client.

— Si tout est OK pour vous, je vous laisse le jeu de clés. Vous pouvez y aller.

Ma mâchoire se décroche d'incrédulité.

— Et moi alors ? pesté-je à son attention. Tout est de votre faute.

Je sens ma patience fuir, mes yeux se remplissent de liquide que je tente vainement de contrôler. Je ne dois pas flancher. Je suis venue ici avec la ferme intention de me nourrir des paysages magiques de ce pays, ce ne sont pas les bâtons dans les roues qu'on me mettra qui m'arrêteront. Pourtant, le désespoir s'empare de moi, entraînant le tremblement de mes jambes. Les bras ballants, j'inspire profondément en fermant les paupières d'où s'échappent les deux seules larmes que je m'autorise.

Ma fierté en prend un coup, mais je ne capitulerai pas devant l'échec. Demain, je me relèverai. La tête haute, je jure au professionnel que ma mauvaise pub sera cinglante et quitte l'enseigne sans un regard en arrière. Personne ne me rattrape et tout espoir se volatilise lorsque le bruit d'un moteur me fait tressaillir. Mes dents s'entrechoquent sous la colère. L'inconnu canon n'a pas cédé. Je n'ai plus qu'à me trouver un hôtel, priant pour qu'un accueil soit ouvert.

Je regagne la route, mes pieds pour seul moyen de transport, et avance dans la pénombre, à la recherche d'une pancarte lumineuse annonçant un endroit où dormir. Plusieurs se distinguent au loin et je progresse dans leur direction. Quelques minutes s'écoulent avant qu'une voiture ne s'arrête à ma hauteur.

Génial! Voilà qu'il va me narguer avec ses yeux perçants et sa gueule de beau mec. Ah, mais non! Aucun son ne sort de sa jolie bouche, que suis-je bête!

Et je regrette instantanément ses pensées mesquines : il n'y est pour rien. Submergée par ma rancœur, le pire de moi-même ressort, jusqu'à me dégouter.

Néanmoins, je fais comme si je ne l'avais pas vu et continue ma route. Pourtant, le conducteur progresse, roulant au même rythme que mes pas.

Il ne va pas me suivre quand même, pesté-je intérieurement.

Contractée depuis trop longtemps, ma mâchoire devient douloureuse. Je soupire bruyamment avant de m'arrêter pour crier dans mon français le plus ingrat :

— Quoi ? Tu veux ma photo peut-être ?

Un sourire, reflet de mon insolence, se dessine sur ses lèvres.

Je vais me le faire, ce n'est pas possible de me chercher autant.

Je reprends mon chemin, furax. Cependant, je suis rapidement stoppée par des pneus qui crissent sur le trottoir et s'interrompent un mètre devant moi.

Surprise, ma valise s'écrase sur le sol humide.

Fais chier!

De sa fenêtre abaissée, il me fait un signe de la tête pour m'inviter à entrer. Pourtant, l'information ne monte pas jusqu'à mon cerveau épuisé.

Sa porte s'ouvre et il chemine jusqu'à moi. Il s'accroupit pour récupérer la poignée de mon bagage qu'il fourre dans son coffre. Les bras ballants, je regarde cet inconnu faire, m'arrêtant un peu trop longtemps sur sa carrure musclée. Il saisit mon sac de l'épaule qu'il range également à l'arrière, avant que le bruit sourd du hayon qui se ferme ne me fasse revenir à la réalité. J'en perds mes mots.

Dans un grincement, la poignée s'actionne sous sa main et d'un geste, il me désigne le siège passager.

Alors quoi? Qu'est-ce que je fais maintenant?

Iceland dreamWhere stories live. Discover now