Prologue

1.2K 81 45
                                    

TCA

June.

Retiens. 1... 2... 3... 4... 5... 6... 7...
Souffle. 1... 2... 3... 4...

Inspire. 1... 2... 3... 4...
Retiens. 1... 2... 3... 4... 5... 6... 7...
Souffle. 1... 2... 3... 4...

Merde, je me suis trompée ! L'inspiration est plus longue que le souffle.
J'éclate un énième sanglot. Je suis vraiment un merde. Toujours à pleurer pour rien comme une grosse merde.
Je suis bonne qu'à ça, de toute façon.
A pleurer. A me remettre en question. A me mettre de la pression pour tout et pour rien.

Aller June, lève-toi, fais quelque chose. Ça fait 4h que t'es rentrée chez toi et t'as rien fait à part bouffer tout ce qui t'es passé sous la main, swiper sur TikTok et pleurer à cause d'une note de spé maths. T'es vraiment qu'une bonne à rien.

Va réviser tes cours. Va faire du sport. Tu veux que je te rappelles combien de calories tu viens d'engloutir ? La dernière fois que t'es montée sur la balance ?

Je laisse échapper un autre sanglot. Ah non, hein ! Tu vas pas recommencer à pleurer ! Tu passes vraiment pour une grosse victime. Ressaisis-toi un peu.

C'est pas comme ça que tu vas entrer en prépa ! Mais je ne veux pas aller en prépa...
Ah parce que tu penses vraiment que tu vas réussir à entrer dans une école spécialisée sinon ? C'est beau de rêver.

Je ne pourrais jamais aller en prépa, je ne suis même pas capable de supporter la pression du lycée.
Je récupère un mouchoir dans mes affaires en bordel sous mon bureau.
Heureusement que t'as des plans b, c, d et e ahah ! Même si tes parents n'accepteront jamais que tu ailles dans une filière littéraire. En même temps, quelle idée de prendre des spécialités scientifiques quand on a un profil littéraire !
Je suis vraiment un grosse merde...

Je retourne sur mon téléphone. Je ne peux pas m'en empêcher, et en même temps, c'est le principe d'une addiction. J'y passe des heures, je perds du temps sur des choses importantes que j'aurais pu faire, puis je culpabilise. Comme la nourriture.

Une heure plus tard, je pose mon téléphone. Oh merde, j'ai laissé ma meilleure amie en remis de 5 heures. Je suis vraiment une amie horrible. Elle ne me mérite pas...

Et je recommence à pleurer.
Je pleure souvent. Ça peut être comme aujourd'hui, pour une note. Ou pour un stress, une évaluation, un souvenir douloureux, une amitié, un livre, un film... Je pleure pour tout, je pleure pour rien.
Parfois je pleure et je ne sais même pas pourquoi. Je me sens bête, mais je n'arrive pas à m'arrêter . Le pire – je pense – c'est que ça ne m'aide même pas. Il m'arrive même de me sentir encore plus vide encore après avoir pleuré. Et encore plus bête.

Je déteste pleurer, ça me fait me sentir vulnérable et personne n'aime se sentir vulnérable, et surtout pas moi. Je déteste pleurer en public. Alors dès que je sens un sanglot monter dans ma gorge, j'arrête de parler pour l'empêcher de sortir. Ou je quitte la pièce.

Je ne sais pas vraiment quand est-ce que c'est arrivé. Quand est-ce que j'ai commencé à devenir comme ça. À pleurer pour rien.

Au début ma famille ne comprenait pas. Après, il faut dire que moi non plus, je ne comprends pas. Mais bon, ils ont fini par s'y habituer. Et Dieu sait comme je hais de toute mon âme leurs regards pleins de dédain ou de pitié.
Arrêtez de me regarder comme si j'étais une pauvre petite chose.

-JUNE ! VIENS MANGER ! TOUT LE MONDE T'ATTEND !
Oh non.
Je vais encore trop manger. Je ne peux pas leur dire que j'ai pas faim ?
Mais tu as faim, June...
Je vais encore trop...

Je sens une larme couler sur ma joue
Hop là ! C'est quoi ça ? On va pas se remettre à pleurer là !
Je sors mon étui à lunettes de mon tiroir sous mon lit et essuie mes lunettes avec le chiffon pour la seconde fois aujourd'hui.
Aller, on compte ensemble.

Inspire. 1... 2... 3... 4...
Retiens ton souffle. 1... 2... 3... 4... 5... 6... 7...
Expire...

-JUNE ! ON T'ATTEND ! ÇA VA ÊTRE FROID ! crie mon père.
-ALLER JUNE, ÇA FAIT 10 MINUTES ! ajoute ma mère.
J'entends mes frères ricaner.
-Elle est en train de se préparer, dit le plus jeune.
-Non, elle est aux toilettes, nuance l'autre.

Je souffle un grand coup. Aller, je vais me laver les mains, ça va le faire.
Je me regarde dans la glace de la salle de bain un peu trop longtemps et un haut-le-cœur me vient. J'inspecte mes yeux bouffis et pose mes mains froides dessus.

Tout va bien, tu ne vas pas pleurer.
Tout va bien se passer, ça va aller.
Respire. Fais comme si de rien était. T'es une pro pour cacher les choses, de toute façon.
Un sanglot remonte.
Eh eh eh, stop. C'est fini, on arrête de pleurer.

Je m'observe reprendre le contrôle de mes larmes à travers mon reflet. Je respire une dernière fois.
Je réouvre le robinet d'eau froide et fais passer mes mains dessous avant de les poser à nouveau sur mes yeux.
Ni vu, ni connu.
Heureusement qu'ils ne remarquent jamais mes yeux rouges et mes paupières gonflées.

Je descends les escaliers et réponds à leurs appels :
-Je suis là ! Je me lavais les mains.

Voix contrôlée, sourire normal.
Tout est parfait. Tout est sous contrôle.
Tout est parfaitement normal, comme d'habitude.
Prochaine étape : contrôler mon appétit.

Le monde ne nous a pas épargnéजहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें