Chp 6 - Rika : un signal dans le noir

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Cela faisait des mois que nous voguions à l'aveugle dans une portion désolée de l'univers. Tout ce qu'il y avait en dehors de la Voie n'étant pas cartographié, nous n'avions aucun moyen de savoir où nous nous trouvions. Pour naviguer, Ren se fiait à une espèce d'instinct qu'il prétendait avoir. D'après lui, Tyrn-ann-nagh, l'Eden mythique des ældiens, le lieu où les siens s'étaient retirés, « appelait » les siens. C'est comme une musique, me disait-il, un chant. L'entendait-il ? Il ne répondait jamais à cette question. Je le laissais faire, mais j'avais surtout l'impression qu'il avançait au petit bonheur la chance.

Ce noir constant, sans une seule étoile, était déprimant. Nous étions seuls dans ce vide immense, le monde humaintrès loin derrière nous. Même si nous l'avions voulu, rien ne disait que nous aurions été capables de rebrousser chemin, sans rien pour nous repérer. C'est pourquoi ce matin-là – j'avais configuré un compteur de temps qui égrenait les heures, les jours et les mois selon le calendrier solarien – lorsque Dea m'annonça qu'elle captait un signal, je sentis mon cœur bondir dans ma cage thoracique.

— Tu crois que c'est Tyrn-an-nnagh ? lui demandai-je. On l'aurait déjà trouvée ?

Dea secoua la tête.

— Cela m'étonnerait. Si c'était si facile... Nous nous sommes enfoncés dans le Grand Vide, certes, mais nous nous trouvons encore relativement proches de la Voie. Si Tyrn-an-nnagh était si près, les ældiens l'auraient su bien plus tôt. Où est le commandant, au fait ?

Je lui jetai un regard blasé.

— À ton avis ?

Dea hocha la tête en signe d'assentiment. Comme tout le monde, elle savait où Ren se trouvait. La salle des armes. Même sans ennemi à affronter, Ren continuait à s'entraîner tous les jours. Je ne pouvais pas lui en vouloir : avant de me rencontrer, le combat était l'unique sens à sa vie.

— Il t'a cherché, tout à l'heure, ajouta-t-elle.

Je crus discerner un léger ton de reproche dans sa voix.

— Ce n'est pas comme si j'allais m'enfuir, grinçai-je. Je suis ici de mon plein gré, je te rappelle.

Dea a l'air gênée.

— Il s'est inquiété. Tu sais, ce n'est pas très bon d'énerver un ældien pendant cette période... Ils sont très protecteurs de leurs femelles pendant le rut, crut-elle bon de préciser. C'est son instinct de mâle, il n'y peut rien. Il est programmé pour protéger sa femelle.

— Ça tombe bien, je ne suis pas une femelle ! ironisai-je en croisant les bras. Et je ne lui appartiens pas.

Vu l'attitude de Ren et de son équipage ces derniers temps, une petite piqûre de rappel ne pouvait pas faire de mal. Mais j'avais beau le dissimuler par une attitude bravache, la remarque de Dea m'avait troublée. Ren était tellement dans le contrôle et la retenue que j'éprouvais encore des difficultés à le voir comme un « mâle en rut » obéissant à des instincts bestiaux et primaires. Est-ce que cela allait altérer son comportement, le rendre plus possessif ? Il l'avait toujours été un peu, mais depuis que j'étais enceinte, c'était pire.

— Bon, alors c'est quoi, ce signal ? demandai-je à voix haute en fixant la baie, toujours résolument noire.

— Je dirais que c'est un signal de détresse, annonça Elbereth en s'avançant dans la salle, une tasse de nes à la main – mon mug, accessoirement. Un vaisseau humain, selon toute évidence.

Dea se tourna vers elle.

— Tu l'as entendu ?

La wyrm posa sa main griffue sur l'épaule de Dea, et elle hocha la tête.

Océan sans étoiles (Le Dit de Rika II) NOUVELLE VERSION CORRIGÉEWhere stories live. Discover now