Chp 9 - Rika : le nouveau passager

22 2 0
                                    

Le vaisseau en question était un navire de fret de taille moyenne, d'un modèle assez ancien. Il tournait sur lui-même en répandant des débris qui suivaient sans cesse le même trajet, passant et repassant autour. On aurait dit une ballerine devenue folle, entrainée dans une danse sans fin, son costume en loques. J'étais certaine que ce vaisseau ne contenait plus personne en vie.

— Je vais faire une sortie, annonçai-je en me dirigeant vers ma combinaison, toujours accrochée dans le sas d'entrée. Gardez une orbite stable.

Ren me suivit dans le sas. Je me heurtai presque à sa haute silhouette, juste derrière moi.

— Je viens avec toi, dit-il en attrapant sa propre combinaison.

Je le regardai enfiler cet oripeau en mauvais état, surprise.

— Tu ne mets pas ton armure ? Ce serait sans doute plus simple, et plus efficace.

Il secoua la tête.

— Je ne veux pas effrayer les survivants, s'il y en a, m'expliqua-t-il en baissant les yeux vers moi. À chaque fois, les tiens prennent peur en me voyant, à cause de cette armure.

J'interrompis mes mouvements pour caresser sa joue, rendue accessible par l'apesanteur du sas : il ne me suffisait qu'une petite impulsion pour parvenir à sa hauteur.

— Tu es gentil, ne pus-je m'empêcher de ronronner en refermant mes mains autour de sa nuque.

Ren m'attira à lui pour que je puisse l'embrasser. C'était extrêmement rare qu'il fasse preuve d'une telle marque de passion en dehors du cadre strictement intime du lit. J'en profitai un peu et ce baiser s'éternisa. Elbereth vint nous rappeler à l'ordre :

— J'ouvre le sas !

Ren me lâcha, et tous les deux, nous couvrîmes notre tête du casque de sortie.

Nous flottâmes un moment dans l'espace, reliés l'un à l'autre. J'arrivai à la porte du vaisseau en premier et, m'y étant amarrée, je commençai à découper la carlingue abîmée avec ma scie laser intégrée. Ren, lui, observait les alentours tandis que je travaillais.

« USNS Ultimate Quest, lut-il sur la carlingue en détachant toutes les syllabes. Qu'est-ce que ça veut dire ?

— C'est de l'anglais, lui répondis-je en poussant du poing la porte nouvellement découpée. Cela veut dire que ce vaisseau appartenait à un naute particulièrement pauvre ou amateur de vintage, ou bien qu'il remonte à des temps antérieurs à l'Holos !

— Des égarés dans le Grand Vide, entendis-je Dea murmurer dans mon casque. Saint Nilarm ait pitié d'eux !

Je hochai la tête en silence. Effectivement, leur sort n'avait pas dû être bien enviable. J'avisai immédiatement trois corps congelés dans leur caisson de voyage, alors que Ren tournait tristement vers nous la momie du pilote, harnachée à son siège face à une baie sans vitre.

— Ces pauvres hères sont morts depuis au moins sept-mille ans, confirmai-je en constatant l'antiquité du matériel. Mais on peut prendre en charge leur journal de bord : il a une sortie ISB-1.

— Ramène-le sur le cair, répondit Dea. Je le lirai plus tard.

— Tu ne veux pas vérifier s'ils n'ont pas d'agent pathogène ou quelconque dispositif de protection d'abord ?

— Un pare-feu ou un virus de cette époque ne me fera pas plus d'effet qu'un petit frisson dans la nuque, me rassura-t-elle. Tu peux me l'envoyer.

Je branchai donc le câble dans mon holocom, de façon à ce que Dea reçoive les données immédiatement. Elle nous fit un rapport en simultané.

Océan sans étoiles (Le Dit de Rika II) NOUVELLE VERSION CORRIGÉEWhere stories live. Discover now