II. Outside

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Dans la pénombre de cette pièce, où les ombres dansent en silence, l'esprit s'étreint de mélancolie tel un peintre nocturne. Je comprends enfin où je suis. Je suis rentré dans un des nombreux bâtiments abandonnés de la vieille ville.

Chaque coin obscur est une toile où se dessine l'écho des pensées tourmentées, tels des spectres de mots cherchant un éclat de lumière. Les livres, telles les branches d'un arbre ancien, s'étirent vers l'obscurité, leurs pages empreintes de secrets et de rêveries.

Les bougies vacillantes, comme des âmes en quête de repos, répandent une lueur tremblante sur tous ces écrits qui semblent provenir d'une autre planète.

Dans cet antre de silence et de solitude, l'esprit se perd dans les méandres des textes, naviguant sur les flots tumultueux des mots, en quête d'une clarté éphémère dans l'océan de la nuit. Je suis perdu dans ma tête, dans cette pièce et dans le monde des grands.

- Non, je ne te laisserai pas rentrer seul chez toi dans cette nuit noire.

Un halo lumineux entoure la jeune femme qui se dessine devant moi. Son aura est si... singulière. Elle semble capturer toute la lumière de la pièce. Son visage est fermé, et même si elle semble déterminée à m'empêcher de partir, des ombres passent dans ses yeux. J'ai l'impression de trouver mon reflet dans ses iris.

- Ah, ne t'inquiète pas pour moi, je suis un aventurier. Dis-je en me tournant vers la porte.

- Toi, un aventurier ? Je dirais plus un pauvre enfant. Peut-être même une poule mouillée.

En me retournant, agacé, je remarque directement ce fichu sourire provocateur collé à ses lèvres.

- Mais je ne sais même pas qui tu es. Pesté-je.

- Je suis la plus belle chose qui aurait pu t'arriver ce soir. Me répond la provocatrice insupportable.

Au moins, elle a du répondant.

- Je peux avoir le nom de cette chose horrible qui m'est arrivée ce soir ?

Les pas délicats de l'inconnue se font à peine entendre sur le parquet. Celui-ci n'ose craquer. Il n'y a qu'un léger sifflement à peine perceptible dans la pièce. J'ai l'impression qu'elle se déplace en flottant dans les airs.

Mon cœur s'emballe doucement, quand je comprends qu'une faible distance nous sépare maintenant. Comme si une brise légère avait effleuré les cordes de mon âme, je me sens un peu plus faible. Mes yeux capturent chaque détail de sa silhouette gracieuse, tandis que mon esprit s'égare dans les méandres de ces lignes si particulières. Chaque pas qu'elle fait vers dans ma direction semble illuminer un peu plus la pièce. Je sens le parfum enivrant de ses cheveux caresser mon visage, et dans cet instant suspendu, je me sens enveloppé dans un enchantement hors de l'espace et du temps.

- Je pourrais te donner mon nom ou tu pourrais le deviner. Souffle l'inconnue près de mon visage.

Un rictus malicieux apparaît au coin de ses lèvres et son visage s'adoucit doucement. Soudain, elle se met à marcher dans la pièce. D'abord vers un des murs de la pièce, puis en rond, sans lâcher le sol du regard. Je vois alors ses longs cheveux rouges se balancer dans l'air, ils semblent tissés par des fragments d'une autre planète. Elle penche soudainement sa tête en arrière alors qu'une flamme s'embrase d'un coup dans son dos.

- Ai-je droit à un indice ? Demandé-je, en me relevant.

Soudain, elle arrête sa course pour me regarder nonchalamment au-dessus de son épaule. Je remarque un dessin dans son dos. Une plume...

- Je pense que tu viens de le trouver, ton indice. Me répond-t-elle avant de rigoler doucement.

J'avance sans réfléchir vers l'inconnue et mes pas sont si légers que cela me perturbe. La flamme dans son dos diminue d'intensité pour finalement s'éteindre, et plus je m'approche plus un parfum de vanille m'entoure.

- Passe ta main au-dessus de mon dessin et tu comprendras. Me chuchote l'inconnue.

Je m'exécute sans trop hésiter et une chose étrange se passe. J'entends une voix quelque part dans ma tête... Non, je l'entends près de mon cœur.

Une lumière s'éveille, petit garçon,

Près du coeur, près de l'âme ;

Et j'entends tes larmes.

Je cherche un compagnon,

Pour cette nuit ; quitte ce monde gris,

Je te tends la main, quittons ce bruit.

Quand je ressens ce dernier mot résonner dans mon être, je recule instinctivement. Mais c'était quoi ce truc ? Des frissons traversent le dos de ma main, je la regarde en la tournant dans tous les sens, mais rien. Ni brûlure, ni trace, rien. Seulement cette sensation étrange qui glisse sous ma peau.

Ces phrases formaient une suite qui évoquait un poème, mais pas du genre que l'on étudie à l'école et qui nous ennuie. Non. Chaque mot résonnait en moi, comme s'il rebondissait sur les battements de mon cœur. Il vivait en moi, percutant chaque paroi de mon être. C'était vif et puissant, comme la foudre.

- Ça t'intéresserait de voyager dans les nuages ? Me demande l'inconnue, interrompant mon flot de pensées.

Je lève les yeux vers cette inconnue que mes pensées avaient presque fait disparaître un instant. Un éclair jaillit tout à coup au plus profond de ses yeux. Ses joues en sont comme éclairées d'une lueur orangée.

- Les nuages ? Demandé-je, incrédule.

L'inconnue pose sa main sur ma joue et son pouce la caresse doucement. Je la sens alors rosir sans que je ne puisse le contrôler. Elle fait quoi là ? Son touché est si léger et si doux, il ne me dérange pas mais ne m'empêche pas non plus de ressentir les battements de mon cœur s'emballer. Cette sensation... Elle me rassure et me terrifie.

- Cette terre ne te plaît pas. Je le vois. Je le ressens. Mais as-tu seulement essayé de la regarder d'une autre façon ? Cette terre que tu ne supportes plus, as-tu seulement tenté de la regarder d'un autre œil ? D'un peu plus haut ?

Elle termine sa phrase et marque un temps d'arrêt, comme si elle réfléchissait à quelque chose de plus profond. Comme si elle cherchait à faire rejaillir un de ses souvenirs.

Je sens son souffle se mêler au mien. Nous sommes si proches. Ces secondes me paraissent durer des heures et je sens ma peau brûler sous ses doigts. Je vois ses lèvres s'entrouvrir et je l'entends chuchoter :

- Il ne faut jamais atterrir. Le ciel est grand, bien assez pour toujours garder la tête dans les nuages.


Le secret des étoilesWhere stories live. Discover now