V. Hatred

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Ces rues, avec leur végétation humaine s'étendant de pierre en pierre, représentent l'expansion ridicule et inutile de l'humanité. Londres, avec sa pauvreté et son absurdité, m'accueille alors que je vais à l'école pour forger mon avenir, zigzaguant entre les malchanceux nés dans de mauvaises familles ou ceux accueillis mais exclus.

Parfois, on croise des hommes drogués zigzaguant eux aussi de droite à gauche, cherchant peut-être à trouver un autre chemin, une autre direction. Ils se droguent pour oublier, car ils n'arrivent plus à rêver, à espérer. Pour eux, la foi ne suffit plus. Quand on naît pauvre, on naît amputé du droit de croire. On survit comme on respire, difficilement, dans la peine la plus totale, dans la solitude la plus extrême.

Chaque pas sur ce champ de bataille me rend malade, la nausée m'étreint. Cette quête vers un monde meilleur me nuit, car je cours après l'impossible. On ne badine pas avec les droits de l'homme, sauf dans le monde des grands, où on les piétine même. Les rues débordent de violence et d'enfants faisant la manche pendant que les politiciens rigolent à la télévision.

Des femmes se font agresser tous les jours pendant que des familles prennent un café en terrasse. Les sans-abris crient de plus en plus fort, tandis que les voitures passent devant eux de plus en plus vite. Certains meurent et d'autres s'engraissent. Je vis dans un monde coupé en deux : ceux qui comptent leurs billets et ceux qui décomptent chaque seconde.

Dans le doux crépuscule, alors que les étoiles commencent à scintiller dans le ciel, une poussière lumineuse s'immisce doucement devant mes yeux. Cela fait plus d'une heure que je marche sans trop de raison, je remarque donc cette étrangeté comme on regarde la nature fatiguée, en y trouvant dans toute anomalie une hallucination.

Elle tournoie dans l'air pesant et humide, juste autour de mon corps, provoquant un sifflement étrange près de mes oreilles. Je tente de la chasser d'un revers de main avant de la voir se rapprocher d'un vieux banc du parc. L'éclat de la poussière rougeoise subitement, m'éblouissant un instant. Une silhouette aux longs cheveux rouges apparaît alors.

Je m'entends soupirer, le regard perdu dans l'horizon lointain.

— Il ne manquait plus que toi.

Feather.

Soudain, quelque chose me chatouille l'arrière du bras. C'est cette créature particulière, elle disparaît comme elle apparaît, sans dire un mot, sans laisser de trace, seulement un léger sifflement dans l'air.

Un souffle chaud se balade près de mon oreille. Mon corps frissonne et je m'entends déglutir.

— Je ne t'ai pas manqué, Away ?

Ma gorge se serre en même temps que mon corps entier se raidit, à la seconde où je l'entend prononcer mon prénom. Comment est-ce possible ? Qui est-elle ? Comment connaît-elle mon prénom ? Et comme si elle pouvait lire dans mes pensées, elle chuchote ces mots :

— Je sais lire sur les lèvres les plus discrètes. Je sais lire dans les yeux, peu importe ce qu'ils cachent au monde. Away... Tu en dis plus que tu ne penses.

Je me retourne instinctivement en tentant de la pousser loin de moi mais elle disparaît encore. Elle réapparaît quelques secondes plus tard à ma gauche.

— Ne crains pas, écoute seulement.

Je ne saurais expliquer pourquoi, mais j'ai l'impression que Feather veut que je prête attention à tout ce qui se passe autour de nous, pas seulement à sa voix. Je ferme les yeux pour me concentrer mais, je n'entends que le silence qui accompagne le calme du parc.

— Prends de la hauteur, Away.

Prendre de la hauteur ? Que veut-elle dire par là ? Je me redresse et m'inspire profondément pour essayer de me vider l'esprit. Je chasse toutes ces pensées qui se bousculent dans ma tête, essayant de trouver quelque chose qui me réchauffe le cœur.

Le secret des étoilesWhere stories live. Discover now