Chapitre 15

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Shama se hâta de faire passer le voile sur sa tête comme lui a demandé Razia.

Elle était contente de sortir du palais, tellement qu'elle n'arrivait plus à tenir en place.

_ Doucement, vous allez vous faire mal. S'affola la vieille dame en la voyant tournoyer sur elle-même, faisant virevolter sa robe.

_ Le cheikh ne viendra pas nous dire aurevoir ? Questionna-t-elle en ne le voyant pas à l'horizon.

_ Voyons, pourquoi viendra-t-il ? Lui demanda-t-elle comme si elle était tombée sur la tête.

_ Eh bien, il me l'a dit.

Razia la regarda bizarrement, et Shama n'y porta que platement attention.

Elle attendait qu'Asad vienne comme convenu.

Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, revoir sa tête lui manquait. Depuis hier soir, elle avait l'impression que quelque chose avait changé.

_ Oh, le voilà !

Une silhouette sombre et imposante apparut au loin, et Shama n'eut aucun mal à reconnaître à qui elle appartenait. Seulement, il n'était pas seul. Une silhouette gracieuse l'accompagnait.

_ Bonjour votre altesse. Bonjour Sabina.

Sabina se tenait tout près du roi. Trop près.

Elle était soigneusement habillée, et avait relâché ses cheveux bruns en un carré plongeant.

Ses lèvres étaient toujours aussi rouges, et elle portait son éternel sourire sur le visage.

Shama força un sourire maladroit à son tour en ayant du mal à ne pas baisser les yeux sur la poitrine généreuse qui débordait de son haut.

Emplie de jalousie, elle se força à relever les yeux en espérant ne pas surprendre le cheikh en train de la regarder.

Aussi fou que cela paraissait, Shama était jalouse et sa mine renfermée ne manquait pas d'en dire long sur le tumulte d'émotions qui la traversaient.

Heureusement, le cheikh la regardait, elle, et Shama s'exaltait de l'intérieur.

_ Le voile vous va bien.

La voix sèche du cheikh avait retenti en elle, la faisant frissonner toute entière.

Il la regardait avec une telle intensité qu'une fièvre insoupçonnée s'éveilla en elle.

_ Merci. Balbutia-t-elle en plissant nerveusement sa robe.

Elle ne voulait pas se séparer du roi, ou du moins, elle ne voulait pas les laisser seuls, mais Razia ne lui laissa pas le choix et bientôt ils se retrouvèrent au fameux souk qu'elle voulait visiter.

Il y'avait des effluves d'épices et de viandes. Des échos de voix et de lourds pas pressants.

Tout le monde semblait se diriger quelque part tandis qu'elle restait stoïque à admirer les couleurs vivifiantes.

Les marchands avaient suspendu leurs tapis brodés et leurs sacs en cuir, tandis que les poufs chatoyantes étaient restés au sol.

Il y'avait tellement de ruelles qu'elle ne savait pas comment les gens réussissaient à se retrouver.

_ Ne vous éloignez pas madame. Restez près de moi.

Shama n'avait pas l'intention de s'éloigner. Elle voulait simplement découvrir ce que ces lieux avaient à lui apporter.

Contrairement à ce qu'on racontait aux magazines, toutes les femmes n'étaient pas voilées.

Certaines rabattaient un large drap en soie sur elles, tandis que d'autres se couvraient à peine.

_ Pourquoi vous m'avez demandé de porter un voile ?

_ Ce n'est pas moi qui l'ai exigé, c'est le roi.

Shama acquiesça en silence en ajustant son châle. Elle ne comprenait pas la volonté du cheikh de la savoir couverte mais n'était pas en mesure de lui tenir tête. Toutefois, elle était bien décidée à lui demander ses raisons.

La jeune brune se promena un peu plus longtemps aux côtés de Razia quand elle repéra une jolie robe suspendue au toit d'une vieille échoppe.

Au milieu de cette agitation, Shama tenta de se frayer un passage jusqu'à ce petit chef d'œuvre.

La robe était vert émeraude, et une délicate dentelle ornait son encolure.

Elle semblait large mais le marchand n'hésita pas à lui désigner les deux pans de tissus qui servait à cintrer la taille.

Shama était étrangère à l'art du marchandage et Razia eut la gentillesse de négocier le prix pour elle.

Elle ne comprenait rien à la langue mais suivit leur échange à la lettre.

Plus tard, Razia lui tendit la robe dans un petit sachet, un sourire aux lèvres.

_ Et vous voilà servie.

La jeune femme la remercia chaleureusement en tenant sa robe entre ses mains.

La texture était légère et soyeuse qu'elle s'imaginait déjà la porter pour arpenter le désert.

Elle pouvait deviner la douce brise de vent se faufiler entres les pans pour mieux caresser sa peau, apaisant la chaleur de plomb qui régnait.

Ses yeux scintillaient d'excitation tandis qu'elles déambulaient dans les rues étroites du souk.

Elle ne savait pas où elles allaient.

Depuis des heures, elles ne firent que marcher, s'adonnant à la féerie qui les entouraient.

Elle avait l'impression d'être l'héroïne d'une histoire de mille et une nuit.

Le souk donnait l'impression de sortir tout droit d'un conte lointain, et Shama ne put s'empêcher de refermer les yeux pour mieux apprécier cette symphonie.

Il y'avait des rires, des éclats de voix et un fort tintement de pièces.

Elle arrivait à distinguer la langue féroce des marchands et les pas effrénés des gens qui marquaient un rythme incessant de vie.

Peu habituée au soleil écrasant du sud, Shama eut du mal à rouvrir les yeux.

Elle battit des cils à plusieurs reprises en tentant de dissiper ce flou qui lui voilait le regard.

Seulement, quand elle réussit enfin à distinguer ce qui l'entourait, son sourire la quitta.

Razia n'était plus là.

Le ventre noué, elle se sentit aller à un vertige inquiétant.

Les voix jadis emplie de vie se muaient en un murmure assourdissant, l'envahissant de toutes parts.

Elle ne savait plus où donner de la tête.

Elle ne savait plus où aller.

Elle avait l'impression que tout le monde la regardait, et dans un effort surhumain, elle tenta d'avancer.

Pas à pas, elle chercha Razia du regard en sentant le poids de l'incertitude s'abattre sur ses épaules.

Elle essayait de retrouver sa route, mais eut l'impression de s'en éloigner un peu plus.

Tout commençait à se ressembler autour, et la jeune femme comprit désemparée qu'elle était perdue.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant