Chapitre 29

1K 50 1
                                    

_ Vous allez à Khandra ?

Shama se retourna pour aviser la vieille dame qui ne cachait pas son mécontentement.

_ Ainsi le cheikh vous emmène dans son antre secrète ? Ajouta-t-elle en s'adossant à la porte.

Depuis l'annonce de leur future union, tout le palais semblait sombrer dans les ombres du néant.

Personne ne partageait leur bonheur.

Pas même la vieille dame qui jadis lui semblait chaleureuse.

_ Oui, il veut que j'apprennes à le connaître avant d'aviser quoi que ce soit.

Razia accueillit la nouvelle dans une petite grimace à peine visible.

Elle craignait pour son roi.

Elle aimait profondément Asad depuis qu'il fut un enfant.

Elle lui vouait un respect inébranlable, mais sa décision hâtive la poussait à questionner ses choix.

Les rebelles, tels des fauves affamés, ne cessaient de semer la terreur au sein des habitants.

Pourtant, le roi, imprudent et irrationnel, persistaient dans sa folie.

Au nom de l'amour, il ignorait les présages qui assombrissaient l'horizon.

Mais elle n'avait pas son mot à dire.

Même Ahmed n'avait pas réussi à raisonner cet être inconcevable, alors elle n'avait d'autres choix que de se plier à la volonté de son maître en priant que tout se passe bien.

_ Etes-vous prête ? Il vous attend. Souffla Razia en ayant du mal à maitriser les chevrotements dans sa gorge.

Son intuition lui sommait d'enfermer la jeune femme pour les empêcher de quitter ces lieux, mais son devoir, lui, la retenait.

Son ventre était férocement serré comme s'il voulait l'avertir, et pourtant, elle devait ignorer cette tension palpable.

Elle devait ignorer cette symphonie discordante et se contenter d'escorter la jeune femme jusqu'au cheikh.

Asad était assis au volant, un sourire charmeur au visage.

Pour l'occasion, ses cheveux étaient plaqués en arrière et sa barbe légèrement rasé.

Toujours fidèle à son parfum, on pouvait humer une odeur de musc émaner de lui. Une fraîche odeur que Shama pouvait inspirer de loin.

Ses yeux la regardaient farouchement alors qu'elle se mouvait jusqu'à lui.

Il n'arrivait point à détourner le regard.

Il clignait à peine des yeux comme s'il ne ressentait pas le besoin.

_ Viens à moi ma belle. Murmura le roi en s'ordonnant au calme.

Tout son être brûlait de désir de la savoir bientôt à lui.

Il peinait à maitriser le tumulte d'émotions qui manquaient de le faire chavirer alors que son odeur emplissait l'habitacle.

Elle lui souriait dévoilant ses petites dents parfaitement alignées, tandis que le cheikh se retenait de l'embrasser.

Il la voulait, mais devait se plier aux coutumes.

Il ne pouvait pas la posséder encore. Pas tant qu'elle n'était pas religieusement à lui.

Comme si le monde partageait sa félicité, la chaleur écrasante s'apaisa.

Aujourd'hui, les oiseaux chantaient à l'horizon.

Les palmiers mouvaient sous une douce brise de vent et le ciel arborait une couleur enchanteresse.

Il y'avait une sournoise beauté, un délicieux portrait.

Tout semblait être à sa place, en parfaite harmonie.

La journée promettait d'être idyllique, et Asad absorbait chaque détail, le cœur empli de gratitude.

Il laissait ses yeux errer librement sur ce corps parfait, se perdant dans la sérénité de l'instant.

Il savourait chaque seconde comme si c'était la dernière, l'imaginant chez lui, à Khandra.

Il l'imaginait se baigner dans la petite oasis pour mieux remonter, trempée.

Il imaginait le crépitement du bois réchauffer leurs repas, et la douce chaleur du feu caresser leur peau.

Il imaginait plein de choses. Que de belles choses.

Il imaginait l'effervescence et l'ecstasy.

Il imaginait le bonheur absolu.

_ Nous arrivons bientôt ? Elle demanda en tentant de briser la tension électrifiée qui régnait.

Dans cette cabine étroite, Shama était victime de sa proximité, et ne savait plus comment se tenir. Elle voulait arriver bientôt pour mieux s'éloigner de cet homme indomptable qui faisait jaillir une chaleur insoupçonnée en elle.

Envoûtée par son parfum, elle se sentait plongée dans une transe délicieuse mais inquiétante. Chaque bouffée d'air frais attisait un feu intérieur qui menaçait d'exploser.

_ Encore quelques minutes ma lalla. Ma habibty.

A ce surnom qu'elle comprenait désormais, elle sourit. Un sourire enjoué et satisfait qui témoignait de sa frénésie.

L'entendre l'appeler ainsi, avec tant de tendresse, perçait son cœur d'une émotion intense.

Elle se souvenait encore des premiers jours où ces mots mystérieux l'avaient intriguée, jusqu'à ce qu'elle ose demander à Razia. Qu'elle découvre leur sens.

Et quelle découverte !

Désormais, ces mots étaient devenus une mélodie, la preuve de son amour, et depuis la fenêtre de la robuste voiture, elle souriait, s'imaginant dans le désert, à ses côtés.

ShamaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant