[T.1] Les Sentinelles de l'Ombre : L'Ascension

Chapitre 20 : Les problèmes (1/2)

Agenouillée près de l'immense pierre, Rozenn secouait frénétiquement les clochettes qu'elle tenait dans la main avec lassitude. Cela faisait maintenant deux heures qu’elle répétait le même geste et elle était à bout de patience. Mais Mme Robin les avait prévenus, la purification demandait du temps. 

— Les lieux et les objets gardent des traces, leur avait-elle expliqué lors d’un cours de Spiritisme. Il faut donc les purifier afin de maintenir l'équilibre spirituel et la paix entre la terre des hommes et le sidh. Et rien de mieux qu'un jour de fête pour cela ! Nous nous rendrons donc au tombeau des Géants le jour d'Imbolc. 

Elle leur avait ensuite raconté l'histoire de ce qui s'était passé : les habitants de Folle Pensée avaient autrefois été attaqués par une sorcière et un géant mais, grâce à l’entraide et à la magie, ils étaient parvenus à les enfermer tous les deux dans une sépulture. 

— Le problème, c'est que quand on utilise un sort, le prix à payer est un retour par trois fois. Et peu importe si l'intention est positive ou négative, une dette doit être payée à la hauteur du sort employé. Mais, comme leur action a bénéficié à tous, les druides ont conclu un accord avec eux pour les protéger des conséquences de leur acte. C'est pourquoi nous devons y retourner souvent pour respecter le contrat. 

Rozenn savait que ce qu'elle faisait était utile : elle éloignait les créatures et les empêchait de se blesser à cause des runes et des sorts mis en place tout autour. Seulement, le temps s'écoulait à une telle lenteur… 

Et puis franchement, quelle créature aurait l'idée de venir se cacher dans un tombeau ? Encore plus dans celui d’un Géant, c'était loin de sentir la rose… Certes, sa profondeur faisait plus de trois fois sa taille et le lieu était isolé par rapport aux autres lieux de Brocéliande, mais elle pensait la forêt bien assez grande pour ne pas avoir à en retrouver là. 

Et pourtant, Alaric venait juste de débusquer pas moins de deux lutins dans celui de la sorcière. Comme quoi, il fallait s'attendre à tout... 

Elle prit le couteau posé à côté d'elle et coupa une tige pleine d'épines qui dépassait. Après avoir enlevé la mauvaise herbe, elle la plaça dans un bocal avec les autres. 

— Un peu plus bas, Rozenn, lui conseilla Marie, assise sur le rocher près d'elle.

Elle se baissa et glissa un œil dans le creux. Comme elle n'y voyait pas grand-chose, elle utilisa ses doigts pour savoir ce qu'il y avait à l'intérieur : les lutins pouvaient se faire tout petits si l'envie leur en prenait… Sa peau entra en contact avec de la terre humide alors elle caressa les contours rugueux de la roche. Mais comme sa main s'accrochait à une toile d’araignée, elle la retira vivement et s’essuya à l’aide d’un des pans de sa robe. Entre deux soupirs, elle admit à voix haute  : 

— Rien du tout.

— Peut-être de l'autre côté, insista son amie. Alors, tu y vas ? Plus vite vous aurez terminé, plus vite nous pourrons discuter. 

Rozenn se tourna vers cette dernière. Elle n’en croyait pas ses oreilles : Marie n'était tout de même pas en train de la houspiller alors qu'elle faisait son travail à sa place ? 

Lors de leur arrivée, chacun avait reçu une tâche par Mme Robin : Katell, Alwena et Enora traçaient des runes dans la terre avec une tige d'aubépine ; Alan, Egon, les jumeaux et les autres garçons devaient poser une chaine en fer tout autour de la roche à la sorcière afin de neutraliser ses pouvoirs encore actifs après sa mort ; Rozenn et Alaric devaient faire fuir les créatures en agitant des clochettes et Marie devait enlever les mauvaises herbes qui poussaient autour pour la cueillette des druides. Seulement, elle s'était tellement plainte des réactions que lui provoquaient les plantes que la jeune Morvan avait fini par accepter de la remplacer afin de la faire taire.