Chapitre 23.1 : Dilemme (réécrit)

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Un silence pesant s'installa dans la chambre, seulement rompu par la respiration lourde de Sverjar.

Tyrulf retint un soupir de frustration. Ces mots ne faisaient que confirmer ses craintes. Sverjar était un jeune homme en proie à ses propres tourments, mais il était également l'objet d'une destinée bien plus grande que lui-même. Il devait réussir à lui faire comprendre.

— Nous avons tous nos batailles internes à mener, Sverjar, et je suis là pour t'aider à affronter les tiennes. Nous devons juste trouver un moyen de travailler ensemble, sinon nous risquons tous de perdre bien plus que nous ne l'avons déjà fait.

Dans un déferlement de colère, Sverjar projeta avec violence tout ce qui se trouvait à sa portée. Les objets volèrent en éclats sous l'emprise de sa rage.

— Est-ce que j'ai demandé à devenir un demi-dieu ? Non ! Est-ce que j'ai quémandé un pouvoir spécifique ? Non ! Ai-je imploré d'être mêlé à des divinités et à leurs plans maudits ? Non, non et non !

Il déversa toute sa souffrance, hurlant à s'en écorcher les cordes vocales, libérant la douleur qu'il avait enfermée en lui depuis le début. Il resta là, tremblant, couvert de sueur, des traces de crasse marron marquant ses joues humides de larmes. Les cheveux en désordre, les yeux cernés, il ressemblait à un être en proie à la folie.

Tyrulf s'adoucit en observant la détresse du jeune homme.

— Ce n'est pas une tâche aisée, je ne le nie pas, reprit-il d'une voix basse. Mais tu as l'opportunité de réaliser quelque chose de grand. Ton destin ne suivra pas la voie que tu avais envisagée, mais je ne vois pas d'autres options que de l'accepter et d'aller de l'avant.

Sverjar leva son regard vers lui.

— Et si je refuse, hein, murmura le garçon. Tyrulf lut les ténèbres dans les yeux de Sverjar, l'envie de rébellion contre le destin qui lui était imposé.

— Nous en paierons tous le prix. Le Père des Vestiges nous réduira en esclavage, toi y compris. Mais tu as raison, le choix est le tien, répondit Tyrulf en haussant les épaules de dépit,

Il détourna le regard, fatigué. La tanière, son refuge solitaire lui manquait. En se concentrant, il pouvait encore sentir l'odeur de la terre humide et le bruit du ruisseau. Il devenait trop vieux pour ce genre d'aventure. Avant de quitter la chambre, il lança d'une voix lourde de résignation.

— Thora est partie ce matin au fait... Elle te transmet ses adieux.

Les mots flottèrent dans l'air, laissant derrière eux un parfum d'amertume. Sverjar eut le souffle coupé un instant. Il digéra la nouvelle.

— Pourquoi ce choix ? souffla-t-il.

— C'est trop pour Thora. Elle en a vu assez pour comprendre que son désir de vengeance était vain face aux dieux. Elle va honorer la mémoire de son frère, reprendre le commandement du Griffon des Cimes, et retourner à sa vie maritime.

Le silence s'étira, étreignant l'atmosphère comme une chape de plomb, tandis que les paroles de Tyrulf résonnaient encore dans la pièce. Sverjar déglutit, absorbant chaque mot comme s'il s'agissait de la dernière goutte d'eau dans le désert.

— Elle a renoncé à la vengeance, poursuivit Tyrulf, en passant une main fatiguée sur son visage. Il faut respecter son choix. Elle a préféré se concentrer sur l'avenir plutôt que de s'enliser dans les remous du passé.

— Et toi ? murmura Sverjar d'une voix à peine perceptible, comme s'il craignait que la simple énonciation de sa question ne déclenche une inévitable chute. Allaient-ils tous périr ou l'abandonner ? Ne méritait-il pas, au fond, cette destinée funeste ?

Tyrulf le scruta un moment, ses sourcils froncés et sa mâchoire serrée.

— Je reste, déclara-t-il avec fermeté. N'oublie pas que, comme l'a révélé Skaldir, je suis également un banni. Je comprends le tourment qui te ronge. Essaie de ne pas te laisser engloutir par cette noirceur.

  Sur ces mots, le Chasseur s'éclipsa et referma la porte, laissant derrière lui Sverjar, tremblant.

L'Héritier des Vestiges [Dark Fantasy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant