Chapitre 11

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Cela faisait quelques jours que Ludvina s'acharnait sur les barreaux de sa cellule. Coup de pieds, de poings, d'épaule... Les bleus et les hématomes teintaient sa peau pâle, et la douleur l'empêchait de trouver une position confortable pour dormir, mais la jeune femme s'en fichait royalement. Il était hors de question qu'elle termine ces jours ici. L'air était glacial, humide, les gémissements ne cessaient jamais, et les sanglots déchirants le soir lui comprimaient le cœur. Ludvina pensait à Kalem : où était-il ? La dresseuse savait que ces cachots étaient divisés en plusieurs étages : elle avait senti N s'enfoncer dans les profondeurs du château pour la déposer ici.

Elle donna un dernier coup de poing rageur dans les barreaux, espérant pour la énième fois qu'ils plient ou se fissurent. Mais rien. Ils émirent un son grave et lugubre et vibrèrent comme toujours. Et comme toujours, Ludvina s'affala sur le sol de béton gelé, essoufflée, le corps endolori, l'esprit plein de colère et de frustration.

Comment avait-elle pu se faire trainer dans cet endroit de façon aussi lamentable ? Surveiller ses arrières, c'est ce que Chris lui avait toujours enseigné ! Comment avait-elle pu oublier cette règle fondamentale ?

La réponse ne tarda pas à s'imposer : pendant des mois-non, des années- elle avait travaillé en équipe avec Kalem. Son ami avait toujours protégé ses arrières durant ce temps, et elle s'y était habituée. Tellement habituée que, revenue dans le monde humain, elle avait oublié que Kalem était vulnérable à cause de son nouvel environnement. Et elle avait baissé sa garde.

Elle se maudit d'avoir été aussi stupide. Voilà pourquoi elle avait toujours travaillé en solitaire ! Même lorsqu'elle était accompagnée de Red, Green et Blue, elle avait toujours fait abstraction de ses compagnons. Jamais elle ne s'était reposée sur eux.

Sauf sur Green quand il a fallu les libérer de la Team Rocket.

Elle sentit sa gorge se serrer et enfoui son visage dans ses mains. Elle aurait donné n'importe quoi en ce moment pour entendre une voix familière. N'importe quoi.

*****

Gold s'assit sur une pierre à côté d'Aurore en poussant un profond soupir de frustration. La dresseuse le regarda du coin de l'œil et s'écarta. Soul, elle, continuait de regarder l'ancienne entrée secrète de la base de l'Organisation. Tant de souvenirs remontaient à la surface... mais le plus douloureux de tous était sans nul doute celui de la découverte de corps de Chris. Soul ne pouvait s'empêcher de penser que, sans la mort du père adoptif de Ludvina, les choses auraient été très différentes.

-Je n'y comprends rien, dit Gold contrarié. On m'avait pourtant assuré qu'elle était ici.

-Elle a certainement bougé, observa Aurore. Qui resterait dans cet endroit ?

Soul comprit ce que son amie voulait dire. Si la vue de la clairière les bouleversait toutes les deux, elle n'imaginait pas Ludvina rester cachée ici. Nul ne savait comment les choses s'étaient déroulées, mais ils étaient tous certains que Ludvina avait accompagné son père jusqu'au bout.

Pourtant, une chose chiffonnait la dresseuse. La clairière était calme, reposante, mais Soul était persuadée qu'il s'était récemment passé quelque chose ici. Ils avaient croisé des marques de pas plutôt profondes et de différentes tailles, et quelques-unes témoignaient de déplacements précipités. Gold leur avait assuré que, souvent, des paysans venaient ici dans l'espoir de trouver deux ou trois choses à manger, et que des enfants venaient parfois de loin pour s'amuser dans cette clairière. Mais Soul n'y croyait pas. Elle revoyait un regard vert plein de haine, et un jeune homme proférer des menaces envers Ludvina. N avait juré qu'il la retrouverait. Il avait juré la détruire. Soul était profondément convaincue que Ludvina était revenue ici, car c'était le seul abri sûr qu'elle connaissait dans ce monde tant changé, et que la nouvelle garde redoutable de N l'avait capturée.

Destins (Livre 2) [EN PAUSE]Where stories live. Discover now