Chapitre 6

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«On sait tous que la vie est une garce et que tôt ou tard, elle finira par nous en faire voir de toutes les couleurs. On sait tous qu'un jour, on se réveillera comme n'importe quel autre jour, on se brossera les dents et on vaquera à nos occupations habituelles en bon naïfs que nous sommes. On cultivera sûrement l'idée qu'il s'agit d'une belle journée parmi tant d'autres et que tout ira pour le mieux. Mais le souhaiter de tout son cœur ne suffira malheureusement pas parce que quoi qu'on fasse, le cours de notre petite existence tranquille sera chamboulé à jamais quelques heures plus tard. Ça nous tombera dessus sans prévenir et le choc et l'impuissance face au fait accompli seront des plus dévastateurs. On regrettera alors de ne pas avoir profité davantage de toutes les journées qui ont précédées celle-ci et on s'en voudra plusieurs fois de ne pas avoir fait les choses autrement. On aura beau accuser qui on veut, même soi-même, le retour en arrière sera toujours impossible et il faudra réussir à vivre en acceptant ça.

Oui, on sait tous que la vie est une garce, mais quelque part j'ai toujours aimé me dire que mon tour était déjà passé, que compte tenu du choc que j'ai subi il y a deux ans, le destin se montrerait clément pendant un petit moment. Je pensais bêtement être pour longtemps à l'abri de ce genre de jours insupportables et de toutes les conséquences qui les accompagnent.

Mais ce soir, quand je vois ce que je vois, je me rends compte que j'ai vraiment, vraiment sous-estimée la vie. »

Jayden appelle son ami pour lui signaler notre présence et lorsque le garçon se retourne, ses yeux verts rencontrent les miens.

Et là, mon sang se glace dans mes veines. C'est lui.

C'est lui qui m'accompagnait tous les matins sur le chemin de l'école. Lui que j'appelais en premier quand ça n'allait pas,peu importe l'heure du jour ou de la nuit. Lui avec qui je partageais mon goûter, mes doutes et mes rêves les plus fous. Lui qui réussissait à me calmer les quelques fois où la colère prenait le dessus. Lui qui prévoyait la première larme, essuyait la deuxième et empêchait la troisième à chacun de mes chagrins. Lui qui m'écoutait pendant des heures parler de choses futiles et sans importance en faisant semblant d'être captivé. Lui qui faisait toujours une moue d'enfant battu quand je gagnais une fois de plus au Monopoly ou qu'il n'obtenait pas ce qu'il voulait. Lui que j'ai embrassé ce jour-là sans vraiment comprendre pourquoi. Lui dont l'absence peuple sans arrêt mon esprit et remplit tous mes horizons depuis cet affreux jour de novembre. Lui.

Harry.

Un frisson glacial traverse tout mon être quand son nom franchit la barrière de mon esprit.

J'ai tout de suite le réflexe de cligner des yeux pour m'assurer que ma conscience accablée par le manque n'est pas entrain de me jouer un tour une fois de plus ou si l'éclairage tamisé de cette partie de la salle n'a pas induit mon regard en erreur. Ça ne change rien. La personne que j'ai devant moi ne disparaît pas et chaque fois que j'ouvre les yeux, ce doute en moi se dissout peu à peu dans l'air étouffant de la pièce et laisse place à un stress ingérable.

Impossible. Je deviens folle pour de bon.

Tout ça n'est qu'un énième cauchemar horrible et je vais bientôt me réveiller dans mes draps trempés de sueur, Caspar viendra me consoler et ma petite vie morne reprendra son court comme si de rien n'était, tenté-je de me persuader.

C'est tellement simple de me dire ça, mais cette fois je sais que c'est différent. Les voix exagérément fortes des étudiants qui discutent autour de moi et la chaleur de la salle qui me fait transpirer légèrement dans ma robe de soirée sont bien trop discernables pour qu'il s'agisse simplement d'un songe désespéré inventé de toutes pièces.

Begin again - Harry StylesWhere stories live. Discover now