Chapitre 38

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Point de vue de Harry

Je suis retourné chez mes parents, dans cet immense loft impersonnel et immaculé de blanc à deux pâtés de maison du campus d'Harvard. J'ai toujours détesté cet endroit. On dirait un de ces énièmes appartements dépourvus de personnalité et fraîchement sortis d'un catalogue. Le genre de décoration somptueuse devant laquelle n'importe qui s'extasie au premier abord, mais au sein de laquelle il est dur d'évoluer quotidiennement. Ça revient un peu à vivre dans un musée, et je n'aime pas ça.

Aucun livre n'est jamais en vrac sur la table basse, aucun verre n'est jamais oublié sur le comptoir, aucune fleur fanée ne subsiste bien longtemps.

Disons que je n'avais vraiment pas le choix. Vivre à l'hôtel devenait trop contraignant à la longue. Être obligé de balader mes affaires partout, devoir manger à heure fixe le matin ou ne pas manger du tout - sauf si on aime claquer une blinde dans le room-service -, je commençais à en avoir assez.

J'ai pensé à retourner à la maison, celle où je me sens vraiment chez moi. À Charleston, là où toutes les bonnes choses se sont toujours produites. Mais à quoi bon ? Je préfère encore une chambre qui ne me ressemble pas à un silence de mort dans celle qui a toujours été la mienne.

Et puis, il fallait bien que je donne des nouvelles à ma mère. Que je ne réponde pas à ses messages l'a rendue folle dernièrement. Quand elle m'a ouvert la porte, elle m'a sauté dessus. Jamais elle n'avait été aussi contente de me voir.

Elle m'a examiné cinq minutes, et puis j'ai trouvé le courage de m'en débarrasser pour aller me coucher. J'étais épuisé. J'ai juste eu le temps de fermer les volets avant de sombrer.

En me réveillant ce matin, je ne sais même pas quel jour on est. Peu importe.

Encore une journée sans elle. Une journée perdue d'avance.

Quand je décide enfin de me lever, c'est seulement pour manger. Je ne me souviens même pas de mon dernier repas et ma tête commence à tourner.

Je mange quelque chose, et puis je reviens ici.

C'est simple. Mais au moment où je m'aventure dans le couloir, il me semble directement trop calme. Et lorsque je passe en coup de vent près du salon, ma mère m'interpelle :

- Harry, peux-tu venir ici deux minutes ?

En l'entendant, je devine que ce n'est pas une question. Au fond de moi, je savais que je n'aurais jamais dû sortir de ma chambre, je savais ce qui m'attendait dehors.

Et comme prévu, le conseil s'est réuni. Ils sont assis là tous les deux, en chiens de faïence. Lui dans son vieux fauteuil en cuir, la seule chose qui ne soit pas flambant neuve dans ce foutu appart - il lui a fallu des semaines pour obtenir la permission de le garder -, et elle, les jambes repliées sur le canapé blanc.

Les examinant dans leur posture théâtrale, les yeux rivés sur moi, j'en viens à me demander depuis combien de temps ils attendent ainsi. Depuis combien de temps préparent-ils leur interrogatoire, leur refrain moralisateur sur le fait de ne pas assez prendre soin de moi ?

- Ça fait plaisir de te revoir, fiston, commence mon père en esquissant un sourire.

- Harry, viens t'asseoir avec nous.

Oh non, je ne vais pas m'imposer ça une fois de plus. Je sais déjà ce qu'ils vont me dire, chacun de leur mots. Précisément. Je n'ai pas besoin qu'on me rafraîchisse la mémoire, surtout pas maintenant.

- Je vais me préparer un café.

- Nous voulons juste discuter, tente ma mère de sa voix la plus calme.

Begin again - Harry StylesWhere stories live. Discover now